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Naissance de Jésus

Naissance de Jésus
1. Préliminaire

Avant d’aborder les textes du Nouveau Testament qui parlent de la naissance de Jésus, il me faut donner quelques explications ou indications sur la démarche que je vais suivre. Il y a, en effet, plusieurs manières de lire, d’étudier, de présenter et d’interpréter les passages bibliques. Je ne les énumèrerai pas toutes ni n’exposerai les avantages et les inconvénients de chacune d’elles, cela prendrait trop de temps. Je dis seulement celle que j’ai choisie, un choix qui, certes, traduit mes préférences et correspond à mes orientations théologiques et spirituelles, mais qui n’implique aucune condamnation d’approches différentes. Il y en a certes qui me paraissent absurdes voire aberrantes ; mais je crois qu’il y en a plusieurs, et pas une seule, qui sont possibles et légitimes.

J’expose donc brièvement mon choix. Quand le Nouveau Testament parle de la naissance de Jésus, il le fait sous forme de récits. Qu’est ce qu’un récit ? C’est un discours, écrit ou oral, qui rapporte une suite d’événements à un lecteur ou à un auditeur. Cette description ou cette définition de ce qu’est un récit fait apparaître que quand on l’examine ou qu’on l’analyse, il y a trois approches possibles.

En premier lieu, on peut l’étudier d’un point de vue littéraire, en s’intéressant à son style, à son rythme, à sa construction ou à sa composition, aux mots qu’il emploie, aux images qu’il utilise, et aussi en insistant sur ce que les spécialistes appellent « la stratégie de communication » (autrement dit sur les procédés rhétoriques utilisés pour atteindre et toucher celui qui le lit ou l’écoute). On privilégie donc ici l’expression, on met l’accent sur l’habilité ou l’art de l’auteur, sur la qualité de ses énoncés, sur sa capacité d’exposer, d’intéresser, d’émouvoir et de convaincre.

Deuxième possibilité : s’interroger sur ce qui est raconté, sur l’objet du récit, sur ce dont il parle. S’agit-il d’une fiction, de personnages imaginaires et d’événements inventés comme dans un roman ? Ou, au contraire, avons-nous un compte-rendu de faits réellement arrivés ; et dans ce cas le narrateur les a-t-il fidèlement, exactement, objectivement racontés, ou les a-t-il arrangés, déformés, aménagés selon ses intérêts et ses convictions ? Cette question se pose à propos de presque tous les récits de l’Ancien et du Nouveau Testament ; elle est souvent difficile à trancher, elle a donné lieu à des discussions passionnantes et passionnées qui ne débouchent que rarement sur des conclusions sûres, solides, admises par tous. Les textes évangéliques qui parlent de la naissance de Jésus font partie de ceux dont on a le plus contesté la fiabilité historique ; elle parait douteuse, contestable ; elle a été et est toujours fortement mise en cause par la plupart des spécialistes.

La troisième voie possible s’intéresse au but, à la visée du récit, à son sens, autrement dit à ce qu’il entend dire à celui qui le lit et l’écoute. Pourquoi l’a-t-on composé et pourquoi le livre-t-on à un public ? Ce peut être simplement pour le distraire, l’amuser, l’arracher un moment aux tracas et aux ennuis de sa vie quotidienne. Mais, souvent, le récit a une autre ambition, pas seulement divertir, mais aussi véhiculer des idées, des émotions ; il cherche à transmettre une expérience, un savoir, une sagesse ; il veut faire réfléchir, toucher, changer peu ou prou celui qui le lit ou l’entend. La troisième approche, je la qualifierai de spirituelle (je définis le spirituel comme ce qui concerne le sens). Elle s’efforce de dégager ou de décrypter le message dont le texte est porteur. Elle correspond à ce qui est l’intention même des auteurs du Nouveau Testament. Leurs écrits sont des prédications et des catéchèses destinées aux premières communautés chrétiennes.

Voilà donc ces trois options possibles. Je laisserai de côté la première, ce qui ne m’empêchera évidemment pas de faire des remarques et de donner des indications d’ordre textuel. En ce qui concerne la deuxième option, l’historique, j’ai lu et travaillé de nombreuses études sur les récits de la naissance de Jésus ; je les utiliserai, mais je ne suis pas un historien ; je ne me livrerai pas à une enquête pour laquelle je ne suis pas vraiment compétent sur ce qui s’est réellement passé. Je donne cependant mon avis sur cette question délicate, en espérant ne choquer personne. Je ne pense pas que ces récits rapportent des événements effectivement arrivés, même s’ils contiennent peut-être quelques éléments historiques. Je les considère comme des fictions qui ne renvoient pas à des faits mais qui servent à exprimer un message. Pour dire les choses un peu autrement, je lis ces récits comme des paraboles. Il est, après tout, possible qu’un jour sur la route de Jéricho à Jérusalem, des brigands aient attaqué un voyageur, l’aient laissé à demi mort et qu’il ait été secouru pas un samaritain. Il est envisageable qu’un riche propriétaire de la Judée ou de la Galilée ancienne ait pardonné à un fils prodigue et ingrat au grand déplaisir de son frère. Nous n’en savons et nous n’en saurons jamais rien. Mais il se peut aussi que Jésus ait inventé de toutes pièces ou en partie ces histoires. Nous n’avons pas les moyens de vérifier laquelle de ces deux possibilités est la bonne. Mais, au fond, peu nous importe. Ce qui compte pour nous croyants, ce n’est pas que ce soit arrivé ou non, c’est la prédication ou l’enseignement qui nous est adressé à travers ces récits qu’ils soient fictifs ou historiques. Qu’on partage ou non mon avis sur l’historicité des textes qui parlent de la naissance de Jésus, la troisième démarche, celle que j’ai nommée spirituelle pour la distinguer des approches littéraires et historiques, reste en toute hypothèse pertinente. C’est elle que je suivrai.

Une dernière précision introductive. Je vais m’attacher à ce que ces textes me disent à moi, à ce qu’ils m’apportent personnellement, au message que pour ma part j’en reçois. Ce n’est cependant pas de la subjectivité ou de l’impressionisme, car je les ai étudiés de près aussi sérieusement et objectivement qu’il m’était possible, j’ai tenu compte des travaux et de réflexions de nombreux auteurs. Mais ces textes sont riches ; ils n’ont pas un seul sens ni un seul message. On peut parfaitement souligner et mettre en valeur des éléments que je n’ai pas retenus, qui ne m’ont pas frappé, et aboutir à une compréhension différente tout aussi, peut-être plus fondée et légitime que la mienne. Je ne prétends pas être complet, exhaustif et donner le sens dernier, unique et total de ces textes ; je dirai seulement ce que j’en ai reçu, en sachant qu’ils contiennent et qu’on peut à bon droit en tirer bien d’autres choses.

André Gounelle

 

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André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

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