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Secte
On fait dériver le mot secte soit du verbe latin secare, couper
(une secte se coupe de la majorité ou de la religion dominante), soit du
verbe latin sequi suivre (une secte suit un enseignement ou un
maître particulier), ce qui étymologiquement paraît plus juste ( secare donne normalement sécateur et non sectateur).
« Secte » n'a pris que récemment un sens résolument péjoratif. Autrefois,
on l’utilisait pour qualifier un courant de pensée ou de spiritualité avec
quelquefois une pointe de réprobation, mais aussi, dans bien des cas, sans
que cela implique un jugement négatif. En 1554, Castellion distingue des
sectes « honorables », des sectes « impies » et des sectes « à mi chemin »
entre les deux. Dans son Entretien avec M. de Sacy (1655), Pascal
qualifie de « sectes » des écoles philosophiques comme les stoïciens et les
épicuriens. Au 19ème siècle, des protestants parlent
tranquillement de la « secte luthérienne » et de la « secte réformée »,
pour dire que luthériens et réformés forment, au sein du protestantisme,
des courants distincts.
Depuis un siècle, à la suite des travaux de Trœltsch, la sociologie des
religions distingue « sectes » et « églises ». Les Églises sont ouvertes
sur la société, veulent dialoguer avec elle, participer à sa vie et à sa
réflexion ; elles cherchent à s’insérer dans la culture générale. Au
contraire, les sectes sont hostiles au « monde » et entendent s’en séparer
aussi radicalement que possible. Elles forment des communautés closes,
souvent nettement délimitées avec des listes précises de membres, alors que
les Églises n'ont pas de frontières facilement discernables et comportent
une marge de gens dont on ne sait pas très bien s'ils en font partie ou
non.
Aujourd'hui, on se sert du mot "secte" pour désigner des mouvements dont on
estime les activités nocives pour les personnes et la société. Du coup, le
terme est devenu infamant et ceux à qui on l'applique protestent
énergiquement, parce qu'ils y voient un reproche, une insulte, et qu'ils
craignent de se voir condamnés par l'opinion publique et dans certains cas
par les tribunaux (la loi française ne définit pas ce qu’il faut entendre
par « secte », mais elle sanctionne les « pratiques sectaires » sans dire
en quoi elles consistent précisément). On oublie qu’une secte, même
extravagante pour le sens commun, peut être d'un point de vue éthique et
juridique parfaitement respectable.
André Gounelle
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