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La doctrine des deux règnes

 

Selon cette doctrine, il importe de distinguer très nettement et de séparer d’une part le règne temporel du monde régi par la loi, et d’autre part, le règne spirituel de l’évangile régi par la grâce. Ces deux règnes dépendent l’un et l’autre de Dieu; ils s’inscrivent néanmoins dans des perspectives et des finalités différentes.

Le premier, le règne du monde et de la loi, dépend de la création. On y entre par sa naissance, on lui appartient du simple fait qu’on est un être humain. Des lois naturelles ou sociales le gouvernent. À cause du péché et de la méchanceté des hommes, il faut faire respecter ces lois par la force. Dieu donne aux autorités politiques le mandat de maintenir, en exerçant une contrainte, un ordre sans lequel la vie serait impossible.

Le second règne, celui de l’évangile et de la grâce, relève du salut et de la rédemption. On y accède par la foi, seuls les croyants en font parti. Il est gouverné par l’amour de Dieu et du prochain. Il a pour visée la sanctification, la transformation intérieure de l’être humain. Il n’utilise pas la contrainte, mais suscite et fortifie un libre consentement par le moyen de la prédication et des sacrements. Ici, Dieu se sert non de l’Etat et du droit, mais de l’Eglise et de la piété.

 Le chrétien, appartient simultanément aux deux règnes; il ne doit cependant pas les confondre. Dans sa vie intérieure, dans ses relations personnelles privées, il agit selon l’amour, renonçant à lui-même, s’oubliant pour les autres, comme le lui demande l’Evangile. Par contre dans sa vie extérieure publique, professionnelle, voire familiale, il doit respecter les règles du monde, conformément à la volonté divine. Il se soumet à ces institutions que sont la famille, le système d’éducation, l’armée, le gouvernement, etc.; il y voit des “ordres de la création”, établis par Dieu afin de préserver l’existence humaine dans les mauvaises conditions qui tiennent au péché. S’il pratique dans sa vie personnelle le pardon des offenses, il ne peut pas en faire une loi de l’Etat, ni imposer aux non-croyants des conduites qui découlent de la foi et qui la caractérisent. De même un professeur ne doit pas se laisser guider par la charité chrétienne quand il note des étudiants, ni un juge lorsqu’il condamne des délinquants. En tant que chrétien, il les aime, les plaint, compatit avec eux, souffre dans son cœur; mais en tant qu’enseignant ou que magistrat, il applique strictement la loi. L’évangile ne doit pas intervenir dans les questions sociales et politiques qui relèvent d’une logique différente de la sienne; il suppose en effet la conversion et la sanctification individuelle; il crée une communauté secrète, cachée, celle de l’Eglise invisible, et non une organisation sociale. Les luthériens reprochent au catholicisme médiéval, à l’anabaptisme du seizième siècle, aux chrétiens-sociaux, voire aux réformés de vouloir établir le Royaume de Dieu sur terre, ce qui contredit l’essence même du Royaume, réalité intime, personnelle, subjective, au sens de Kierkegaard, et ce qui conduit à des comportement idéalistes et utopistes, aux conséquences parfois catastrophiques.

Les pouvoirs publics tiennent donc, qu’ils le sachent ou non, de Dieu un mandat qui vise non pas à établir un monde meilleur, à construire une société idéale, mais à garantir à ses citoyens une vie matérielle convenable, à les préserver de ce qui menace et pourrait détruire leur existence.

André Gounelle
Extrait d’un cours

 

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André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

Webmaster : Marc Pernot