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Philosophie et théologie
selon Trœltsch et Tillich

 

INTRODUCTION

Quand on adopte une conception supranaturaliste de la révélation, le problème des relations entre théologie et philosophie se résout assez simplement. Il y a, en effet, d'un côté, un donné révélé (les écrits bibliques) qui vient de Dieu et, de l'autre, la connaissance ordinaire, que l'être humain acquiert par ses moyens naturels. La théologie a pour tâche d'étudier, d'enseigner et d'expliquer le donné surnaturellement révélé, tandis que la philosophie développe la connaissance et la réflexion naturelles de l'être humain. Entre les deux, il peut y avoir une relation soit de complémentarité soit d'opposition. La première prédomine dans le thomisme et, à un degré moindre, dans le calvinisme où la théologie tire de la révélation des connaissances qui viennent s'ajouter à celles que découvre la philosophie et qui les complètent*. Au contraire, le luthéranisme et l'existentialisme, à partir de l'affirmation paulinienne que "la sagesse de ce monde est folie devant Dieu"* ont tendance à penser que la théologie détruit la philosophie*, en dévoile la fausseté et l'inutilité. Qu'on maintienne ou qu'on disqualifie la philosophie, de toutes manières, la théologie répond à une logique autonome et dispose de son domaine propre.

Trœltsch et Tillich ont en commun de rejeter catégoriquement le supranaturalisme, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas, selon eux, d'élément transcendant le naturel dans le religieux, mais que cet élément ne se constitue pas en un domaine distinct, séparé et coupé du naturel*. Pour eux, la révélation ne consiste pas en un savoir que Dieu nous communique de manière extraordinaire. Trœltsch voit dans la révélation la présence et l'action de Dieu dans l'intériorité humaine, tandis que Tillich la définit comme une rencontre, un saisissement. Tillich insiste, certes, beaucoup plus fortement que Trœltsch sur l'extériorité et l'altérité de la révélation, néanmoins, dans les deux cas, il s'agit non pas de la mise à disposition d'un ensemble de connaissances à de gens qui n'y ont pas normalement accès, mais d'une expérience intime ou existentielle. S'il en va ainsi, la philosophie, en particulier celle de la religion, et la théologie ont le même objet : l'expérience religieuse. En quoi se distinguent-elles? Comme l'a justement noté Jean Richard à propos de Tillich*, la difficulté pour nos deux auteurs ne consiste pas à relier théologie et philosophie, mais plutôt à les distinguer.

Nous allons voir successivement la position de Trœltsch, puis celle de Tillich.

 

1. LA POSITION DE TRŒLTSCH

À Heidelberg, Trœltsch enseigne la théologie. En 1915, il est nommé à Berlin et y occupe une chaire de philosophie. Ce changement de Faculté (qui doit beaucoup aux circonstances extérieures, sans doute autant qu'à une intention délibérée*) a donné lieu à des commentaires opposés*. Plusieurs auteurs* suggèrent que Trœltsch, ayant vidé la théologie de tout contenu et de tous sens, l'ayant décomposée et dissoute* dans la philosophie, en tire la conséquence logique. Tillich, au contraire, laisse entendre que Trœltsch après avoir été philosophe chez les théologiens devient théologien chez les philosophes*. Là où les uns voient un abandon et une sortie de la théologie, d'autres discernent, au contraire, une affirmation renouvelée et réorientée.

Quel rapport Trœltsch établit-il entre philosophie et théologie? Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord voir comment il comprend et conçoit ces deux disciplines. Il les définit l'une et l'autre par leur programme, par les tâches qu'il estime qu'elles doivent accomplir.

La philosophie selon Trœltsch

En ce qui concerne la philosophie, Trœltsch lui assigne un double objectif* :

D'abord, clarifier ("autoclarifier", précise-t-il) le statut de la conscience et de la pensée, ce qui correspond à la psychologie, l'épistémologie, la logique et la méthodologie. Il s'agit donc d'une "analyse critique de la conscience"* et d'une étude des fonctionnements de l'esprit humain.

Ensuite, donner forme et cohérence aux expériences, savoirs et valeurs d'une époque en élaborant une vision du monde, ce qui correspond à la métaphysique et à la philosophie de la culture. Ici, la philosophie met en cause et ébranle les conceptions communes d'une société pour les remplacer par des conceptions plus profondes et méthodiquement élaborées. Elle est donc facteur de crises, mais de crises positives.

Deux brèves remarques sur ce programme. D'abord il correspond exactement à l'insistance de la philosophie idéaliste sur l'importance fondamentale et décisive de l'analyse de la conscience et de ses lois*. Ensuite, par rapport à la philosophie classique et à la différence de Tillich, Trœltsch écarte la métaphysique et l'ontologie telles qu'on les avaient conçues et développées classiquement (en ce sens il opère ou accepte une "réduction de la philosophie"*)

La théologie selon Trœltsch

Pour Trœltsch, il faut réformer ou réorganiser la théologie, et, pour cela, la libérer du carcan où l'enferme la dogmatique ecclésiale traditionnelle et la "refonder" en l'introduisant dans le cadre de l'horizon historique et philosophique moderne*. C'est dans ce contexte, qui renouvelle et réoriente ses missions traditionnelles, que la théologie doit exercer sa fonction qui consiste à faire passer la foi du mythos, d'une expression poétique, symbolique, imaginative, évocatrice et enthousiaste, au logos, à un discours réfléchi, raisonné, précis et cohérent*. Il s'agit pour elle d'exposer "une vision religieuse chrétienne d'ensemble à caractère normatif"*. L'objectif, ainsi formulé, comporte quatre tâches.

Le statut du religieux

La première, indiquée par le mot "religieuse" consiste à établir l'autonomie de la religion par rapport aux autres domaines de la vie de l'esprit. Cette tâche relève de la philosophie de la religion, ou "théologie principielle", qui remplace et élimine la théologie naturelle d'autrefois*. La doctrine chrétienne a besoin de s'appuyer sur une philosophie qui montre que la religion est "un élément constitutif essentiel de la conscience"*, une donnée a priori de l'existence humaine, "autonome dans son noyau et fondée sur la relation réciproque de l'être humain avec le monde suprasensible"*. Ce qui écarte, évidemment, le scepticisme, le matérialisme, l'empirisme et le positivisme pour qui la religion représente un épiphénomène et une illusion*. Seul, l'idéalisme critique et téléologique, parce qu'il est transcendantaliste*, prend au sérieux l'expérience religieuse et lui donne une place de plein droit dans l'existence humaine. À l'inverse, la philosophe va s'intéresser à l'analyse des diverses formations religieuses qui concrétisent, chacune à sa manière, l'a priori religieux, et permettent de le cerner, d'en saisir la substance. La philosophie de la religion a besoin de la science des religions.

Cette première tâche n'est pas propre au christianisme; elle intéresse toutes les religions et permet de déceler, derrière leur très grande pluralité et diversité, une unité, et donc une solidarité. On peut en voir un indice dans le fait que dans la phrase que je commente "religieuse" précède "chrétienne".

La doctrine de la foi

Dans cette même phrase, à "vision religieuse", Trœltsch ajoute "chrétienne". La théologie a pour deuxième tâche de dire ce qu'est le christianisme*. Elle ne le définira pas, comme l'avait fait le vétéro-protestantisme et comme voudrait le faire aujourd'hui l'orthodoxie, en exposant des dogmes intemporels ou en énumérant et racontant les "événements salvateurs". Une théologie moderne propose et développe une Glaubenslehre, ce qui veut dire que, dans la ligne indiquée par Schleiermacher, elle détermine ce qu'est le christianisme en analysant les contenus de la conscience religieuse chrétienne dans le passé certes, mais encore plus dans le présent, sans les couper du contexte social et historique qui leur donne sens et qui les influence*, sans les réduire non plus à des productions purement humaines. Ils résultent de l'action intérieure de Dieu en nous. La Glaubenslehre ne parle pas directement de Dieu ni seulement de l'être humain croyant, mais de l'être humain en tant qu'affecté ou rencontré par Dieu*.

Avec cette deuxième tâche, on entre dans le domaine du spécifique, des particularités et des différences. Chaque religion, chaque dénomination chrétienne possède sa dogmatique propre, différente de celle des autres. Dans le cadre du christianisme, où se situe Trœltsch, la Glaubenslehre (ou théologie proprement dite, théologie au sens étroit du mot) expose les doctrines de la foi chrétienne. Elle en montre l'unité, la cohérence; elle en dégage l'essence ou le principe* organisateur. Elle a pour objet "les expressions de la communauté religieuse pratique"*, ou encore la manière dont la foi chrétienne se comprend et se structure à diverses époques, y compris et surtout la contemporaine (on ne peut pas se borner à une présentation "bibliciste" de la religion du Nouveau Testament*). S'il faut exposer ce que l'on croit "à partir de la vie chrétienne d'aujourd'hui"*, on ne doit évidemment pas oublier que l'aujourd'hui hérite d'un hier qui l'éclaire et qu'on ne peut pas négliger. L'orthodoxie a le tort de vouloir maintenir et répéter le passé ; elle soumet la réflexion théologique actuelle aux règles et formules confessionnelles d'autrefois*.Harnack a tort de chercher l'essence uniquement dans l'origine. Il n'en demeure pas moins que même si le présent diffère de ce qui le précède et rompt avec lui sur des points importants, il en dépend; à bien des égards, il le continue; on ne peut pas le comprendre sans examiner de ce qui l'a précédé*.

Cette deuxième tâche présente trois caractéristiques. Elle est à la fois historique, ecclésiale, et normative.

Elle est, d'abord, historique, dans la mesure où "histoire" désigne l'analyse des situations concrètes du passé et du présent. De même, Schleiermacher range la formulation de la doctrine chrétienne parmi les disciplines historiques*. En fait, elle relève de la science (ou de l'histoire) des religions dont elle applique les démarches au christianisme*. On peut également la nommer "dogmatique", bien que le mot Glaubenslehre convienne mieux. Elle n'entend pas définir des dogmes autoritaires et intangibles, mais elle s'occupe de "la configuration dogmatique de l'idée religieuse chrétienne"*.

Elle est, ensuite, confessionnelle et ecclésiale, ce qui ne signifie pas qu'elle serait moins rigoureuse et scientifique, mais qu'elle remplit une fonction particulière. "Elle est au service d'une communauté religieuse, et veut développer pour cette communauté l'idée et la force religieuses"*. En particulier, elle vise à structurer et à nourrir la prédication et la catéchèse*. La pratique de la foi est son point de départ et sa visée.

Enfin, elle ne se borne pas à décrire. Elle a une dimension ou une visée normative. Dans la mesure où elle dégage un "principe", elle permet d'évaluer les diverses expressions de la foi, de distinguer celles qui jouent un rôle essentiel de celles qui occupent une place accessoire, et, également, de faire le tri entre ce qui se situe dans la ligne du principe et ce qui en dévie. Au nom et à partir du principe, on va évaluer les diverses formes du christianisme (catholicisme, vétéroprotestantisme, et néoprotestantisme; ou le type "Église", le type "secte" et le type "mystique")*. Cette fonction normative est à la fois ecclésiale et scientifique. Ecclésiale, parce qu'elle s'exerce, bien sûr, à l'intérieur de la communauté, en régule la vie, la préserve de développements aberrants. Scientifique, parce que toute analyse scientifique d'un phénomène quelconque implique qu'on opère une différenciation entre ses structures fondamentales et les accidents ou déviances qui peuvent se produire. Une description comporte inévitablement des jugements de valeurs. L'histoire des religions ne procède pas autrement dans son étude des spiritualités. La scientificité n'implique cependant pas une totale objectivité ni une certitude absolue. En effet, la détermination du principe ne se fait jamais par simple déduction. Elle implique, de la part du théologien d'Église comme de l'historien des religions, une décision, un choix, une prise de position, ce que C. Theobald appelle "un engagement interprétatif"*. Aussi fondée et pesée que soit l'option prise, elle comporte une part d'arbitraire, de subjectivité et par conséquent de relativité*. Le dogmatisme scientifique ne tient pas plus que le théologique.

Le normatif

Nous en arrivons à la troisième tâche. La théologie doit montrer que la foi chrétienne représente la forme la plus élevée de l'expérience religieuse apparue au cours de l'histoire, en tout cas "pour notre sphère de vie et de culture"*, autrement dit pour le monde européo-américain. On peut qualifier cette troisième tâche de "philosophie de l'histoire de la religion" ou encore de systématique. Elle se distingue de la dogmatique ou Glaubenslehre*, en ce qu'elle cherche à définir et à appliquer une normativité non pas interne et particulière à la religion étudiée, mais externe, générale, valant pour toutes les religions.

Autrefois, on affirmait la supériorité du christianisme parmi les religions en la fondant sur une révélation supranaturelle extraordinaire et unique, consignée dans la Bible*. Aujourd'hui où le supranaturalisme ne paraît plus tenable, où "les prétentions exclusives à la révélation viennent se heurter les unes les autres"* et n'ont donc plus aucune évidence, la supériorité du christianisme sur les autres religions doit s'établir à partir d'études comparatives, d'autant plus délicates à mener que les analogies et interférences entre religions sont multiples et importantes*. On pourrait, dans une démarche rationaliste, tenter d'évaluer et de hiérarchiser les diverses spiritualités à partir de l'a priori religieux, en se demandant laquelle correspond le mieux ou le plus à son essence. Mais seule l'étude des religions concrètes donne un contenu à cet a priori, et permet de déterminer une essence de la religion. Comme l'a montré J. Richard, l'a posteriori empirique ne supprime pas ni ne remplace l'a priori philosophique, mais lui permet de ne pas rester une forme vide*. Il appartient donc à la science des religions d'indiquer ou de fonder les critères de jugement à appliquer. Ne lui demande-t-on pas trop? Est-il possible d'en tirer des normes objectives, universelles, qui, en principe, s'imposent à tous? Trœltsch s'est beaucoup interrogé sur ce point.

La vision d'ensemble

Quatrièmement, dans la phrase citée, Trœltsch parle d'une "vision ... d'ensemble". Il s'agit d'élaborer une conception croyante du monde qui soit en relation avec la critique biblique, l'histoire, la philosophie, la science et la culture modernes, qui prenne sa place dans ce que l'on peut appeler une métaphysique* (comprise autrement que la métaphysique classique). À proprement parler, cette métaphysique elle-même se situe au delà de la théologie et de la philosophie qui peuvent à la rigueur s'en passer. Cependant, toute connaissance ou toute réflexion humaine, aussi bien philosophique que théologique, la vise en dernière analyse et y contribue pour sa part*. Cette vision d'ensemble du monde doit répondre à une double exigence, l'une posée par la foi chrétienne, l'autre que doit remplir la théologie chrétienne.

En premier lieu, cette métaphysique doit accueillir, respecter et prendre en compte la conviction chrétienne d'une réalité transcendante qui donne au monde une finalité. Ce n'est pas le cas de toutes les philosophies. Ainsi la conviction chrétienne exclut le monisme, le panthéisme, le pessimisme et la négation de la liberté. Trœltsch estime qu'à son époque, seul l'idéalisme subjectif et téléologique* répond à cette condition. Il ajoute, ce qui a de l'importance, que des raisons proprement philosophiques (et non théologiques) conduisent à rejeter les positions, matérialisme, scepticisme, monisme, panthéisme, pessimisme, incompatibles avec la foi chrétienne*.

En second lieu, il faut que la théologie fasse l'effort de penser et de formuler la doctrine de la foi de manière telle qu'elle ne soit pas en contradiction avec une conception contemporaine de la réalité et qu'elle puisse s'articuler avec d'autres disciplines, en particulier la cosmologie et l'histoire, dans une sorte de synthèse*. Ce qui implique que le théologien respecte les méthodes spécifiques et les apports de ces disciplines et, en même temps, qu'il sache les utiliser pour son projet propre*. Il doit surtout prendre en compte l'historicisme*, qui imprègne profondément la modernité.

Cette métaphysique, ou cette vision du monde n'a pas seulement un caractère théorique. Elle a des dimensions esthétique, éthique et concrète qui autorisent à la considérer comme une pratique*. Une puissance proprement religieuse, pour les chrétiens celle de l'évangile, agit en elle, l'anime, et trouve avec elle "une expression vitale" (nous dirions aujourd'hui "existentielle") pour aujourd'hui. Le logos métaphysique n'élimine pas, mais accueille et intègre le dynamisme du mythos, et lui donne même un nouvel élan*.

De manière plus pastorale, et dans des termes qui évoquent Tillich, Trœltsch affirme que la théologie ou doctrine de la foi a pour tâche de "formuler consciemment la question du présent et de voir dans la réponse le véritable contenu actuel de la doctrine de la foi", au lieu de répéter le "matériau d'une tradition dogmatique étrangère comme s'il possédait le secret de parler avec la voix du présent"*. Cette tâche n'est pas ecclésiale, au sens confessionnel et étroit de ce mot. On doit la mener librement, dans l'esprit d'un "libre christianisme" ou "christianisme libéral". Trœltsch parle avec un brin d'enthousiasme, de ceux qui, pasteurs et laïcs, l'accomplissent. "Que Dieu les bénisse sur toutes les parties de la terre, écrit-il; ils ont beaucoup à dire à leurs frères et à leurs sœurs, et n'auront pas à se plaindre que la Parole de Dieu soit revenue sans effet"*.

Explication, interprétation, confession

Aussi, peut-on dire que la théologie a indissociablement une orientation historique, une dimension philosophique et un projet métaphysique*. Elle a également une visée pratique et actuelle, en ce sens qu'elle guide et nourrit la vie concrète des croyants et des communautés ecclésiales aujourd'hui*. La théologie joint l'histoire, la philosophie et l'actualité.

Est-elle seulement leur addition, ou leur ajoute-t-elle quelque chose? Il me semble que, pour Trœltsch, son apport propre réside dans la construction d'une synthèse ou, pour reprendre un terme de Tillich, une corrélation vivante et actuelle entre les connaissances scientifiques, la philosophie de la religion, l'histoire de la conscience chrétienne et l'expérience intime de la présence de Dieu. La science explique le monde et ne l'interprète pas; la théologie, l'interprète et n'est donc pas, comme l'histoire et la physique, une science, même si elle présuppose une formation, une enquête et une élaboration scientifiques*. La philosophie explique et interprète le monde en fonction des données scientifiques, de son analyse de l'esprit humain et des valeurs culturelles. La théologie n'explique pas le monde; elle l'interprète à la lumière d'une conviction ou d'une confession de foi* qui concrétise dans une forme particulière l'a priori religieux. La théologie analyse cette confession et l'actualise, c'est à dire la confronte et la corrèle avec les données scientifiques et les orientations philosophiques d'une époque. Elle n'est pas seulement, comme la philosophie, une interprétation intelligente du monde; elle est une "interprétation à la lumière de la foi", qui se veut en même temps intelligente et croyante.

Bien sur, j'ai employé des formules trop tranchées, car en toute science, il y a une part d'interprétation (les hypothèses scientifiques*), en toute philosophie, il y a une part de croyance et toute théologie, à partir d'une conviction et d'une confession de foi, propose des explications. Les différences restent donc relatives et ne conduisent en tout cas pas à des séparations.

Théologie et philosophie

À chaque moment, les deux disciplines interfèrent et s'entrelacent dans la recherche des fondements anthropologiques et des normes de l'expérience religieuse, ainsi que dans l'élaboration d'une synthèse qui relie cette expérience avec l'ensemble de la culture et des connaissances humaines. Presque chaque fois que dans la partie précédente, j'ai parlé de théologie, j'aurais pu aussi bien dire "philosophie de la religion", ce qui montre bien leur entremêlement. Cependant, si établir entre théologie et philosophie une ligne de démarcation trop stricte et tranchée est une erreur, les identifier, comme tend à le faire Hegel, en est une autre. Car même si on admet qu'elles ont un objet identique, leur manière de l'appréhender diffère*. Il faut plutôt s'intéresser aux interférences. On peut en indiquer trois entre philosophie, religion et théologie.

L'influence religieuse de la philosophie

Premièrement, la philosophie, pas plus que la science, ne peut "faire surgir" (ni anéantir) une religion, et donc une théologie*. La religion et la théologie ont leur source dans une expérience spécifique, rendue possible par un "sens religieux", s'effectuant à partir d'une révélation (c'est à dire de la présence et de l'action du divin en nous) et concrétisée historiquement. L'a priori religieux signifie l'autonomie de la religion qui ne naît pas ni ne dérive d'une explication rationnelle et systématique de la réalité. La religion n'est pas une philosophie et est en son principe indépendante de la philosophie*. Toutefois, la philosophie, par sa critique et les crises qu'elle provoque, peut préparer le terrain pour une nouvelle expérience ou pour une transformation des représentations religieuses. Elle peut "faciliter ou rendre plus difficile"* la religion. Ainsi la philosophie de l'Antiquité tardive a ouvert la voie à l'évangile. De même, la philosophie des temps modernes dissout une religion autoritaire et supranaturaliste; elle oblige la théologie à repenser ses catégories, à se comprendre autrement, à se considérer comme historiquement déterminée, et donc relative, à renoncer à sa prétention de formuler des dogmes intemporels, stables et invariables, valables en tous lieux, en tout temps et pour toute personne. Elle lui a fait découvrir qu'elle ne parlait pas sub specie aeternitatis, comme le voudraient le biblicisme et la scolastique, mais que ses expressions et définitions doctrinales s'expliquent à la fois par une généalogie et par un contexte. Sous l'influence de la philosophie, la théologie moderne a pris conscience de l'historicité de l'être humain.

La théologie, accommodation ou compromis nécessaire

Deuxièmement, la puissance d'une religion tient à la relation qu'elle établit et entretient avec la culture ambiante, la populaire comme la savante, à sa capacité d'agir en son sein, ce qui implique qu'elle ne soit pas en contradiction avec elle (ou si elle situe en opposition, qu'elle puisse s'en expliquer et le justifier*). Ainsi, la philosophie antique a non seulement ouvert la voie à l'évangile, mais en a fait "la grande puissance intellectuelle et spirituelle"* du premier millénaire. De même, le protestantisme tire sa force de ce qu'il a su s'adapter aux temps nouveaux et seul un "libre christianisme" capable de prendre en compte les données de la philosophie moderne empêchera la disparition à plus ou moins longue échéance et assurera l'avenir d'une foi évangélique*.

On retrouve ici un thème important chez Trœltsch : la valeur d'une religion se mesure dans le cadre et en fonction de son environnement culturel. La théologie doit "organiser son univers de pensée en fonction de l'image du monde qui est celle de l'humanité moderne"*. Il lui faut chercher à élaborer une adaptation, une accommodation (pour reprendre un terme de Calvin), ou un compromis (notion qui a un sens positif chez Trœltsch) avec la philosophie, en tant que synthèse culturelle des savoirs et des valeurs. Il s'agit d'un compromis, non d'une soumission. La théologie doit à la fois accepter et examiner les données de la culture et de la philosophie, s'ouvrir à elles et les évaluer. Ne pas rester attaché à une vision du monde périmée, s'ouvrir à une nouvelle ne veut pas dire s'interdire toute critique*.

L'importance philosophique de la religion

Troisièmement, la religion comporte une exigence pour la philosophie. Certes, la philosophie et les disciplines scientifiques, en particulier l'histoire, n'ont pas à se soumettre à des règles et décisions religieuses. Elles obéissent seulement à leur méthodologie et à leur logique propres. Toutefois, les concrétisations de l'expérience religieuse marquent et orientent la réflexion philosophique. Elles font "partie des contenus de réalité qu'elle doit rassembler pour les penser comme un tout"*. Il lui faut les prendre en compte au même titre que les données scientifiques, s'interroger sur leur statut et leur signification, et non les nier ou les dissoudre. "Les axiomes du monde de la vie religieuse se font ... valoir dans les présupposés de la philosophie"*. Une pensée incapable de leur faire place et de leur faire droit présente de carences graves d'un point de vue strictement philosophique. À cet égard, l'affirmation de Walter Wyman que pour Trœltsch, le théologique et le non théologique se distinguent non par leur méthode, mais par leur objet, par la matière traitée*, me laisse insatisfait, car la philosophie a aussi pour objet le religieux qui fait partie de son champ d'étude .

Conclusion

Cette interrelation complexe, qui joint une indépendance de principe avec des interactions à plusieurs niveaux, fait qu'on ne peut ni distinguer ni confondre théologie et philosophe. En passant d'un enseignement de théologie à une chaire de philosophie, Trœltsch à la fois change et ne change pas d'orientation. Son programme reste le même, mais il va l'aborder d'un autre côté, ce que, me semble-t-il, a très bien vu Tillich. Mais, de son point de vue, Barth a aussi raison, car l'œuvre de Trœltsch s'oppose radicalement à la conception supranaturaliste de la théologie qu'il défend. On peut aussi bien prétendre que chez Trœltsch la théologie se dissout dans une philosophie, qu'estimer qu'elle s'y épanouit et s'y libère, qu'elle y trouve sa véritable dimension, et y accomplit sinon sa vocation, du moins son telos interne. Inversement, la philosophie se déploie pleinement dans une vision du monde à caractère théologique. Les deux disciplines ont fondamentalement besoin l'une de l'autre.

 

2. LA POSITION DE TILLICH

Tillich a une double formation, théologique et philosophique. Durant sa période allemande, il enseigne alternativement les deux disciplines et s'intéresse autant à l'une qu'à l'autre. Il aborde le problème de leurs relations dans de nombreux textes. Je vais exposer les propos de Tillich, en m'en tenant pour l'essentiel à la période américaine, en trois parties intitulées la première : "qu'est-ce que la philosophie?"; la deuxième : "la démarche du philosophe et celle du théologien"; la troisième : "L'impact de l'existentialisme". À la différence de ce que j'ai fait pour Trœltsch, je ne consacre pas un paragraphe à la définition de la théologie. Je rappelle seulement que selon Tillich elle traite de ce qui est la préoccupation ultime de l'être humain*. Il ne la définit donc pas tant par des tâches particulières ou un domaine propre que par une attitude, par une certaine manière de considérer des objets ou des champs d'étude à partir et en fonction du sens dernier de notre être.

Qu'est ce que la philosophie?

Chaque philosophe répond à sa manière à cette question, et propose une conception différente de sa discipline. On se trouve devant une pluralité et une diversité de définitions*. Tillich va en chercher une qui soit suffisamment large et englobante pour convenir à la plupart des philosophes, tout en ayant conscience que tous ne l'accepteront pas*. Il propose la suivante, qui n'a rien d'original, on la trouve chez quantité d'auteurs : "La philosophie est l'effort cognitif qui se pose la question de l'être", qui s'interroge sur l'être en tant qu'être, ou sur la réalité comme telle*.

Cette définition apparaît effectivement englobante, mais aussi bien générale et vague. En fait, les textes de Tillich incitent à distinguer trois niveaux qui sans cesse se recoupent, ou trois types de démarches qui s'imbriquent, s'emboîtent et s'enchevêtrent constamment. L'impossibilité de les dissocier, de les isoler concrètement complique* et rend difficile de déterminer simplement et de manière univoque les relations entre philosophie et théologie. Si au premier niveau les deux disciplines se distinguent nettement, au deuxième elles interfèrent et au troisième, elles se rejoignent.

L'analyse des structures de la connaissance

Au premier niveau, la philosophie consiste en une analyse des structures de l'être perçu et connu*. Comment le réel se dévoile-t-il à nous et comment l'appréhendons-nous? Ainsi, la philosophie dégage et étudie les quatre grandes catégories qui conditionnent notre expérience et qui déterminent notre pensée : l'espace, le temps, la substance et la causalité.

Cette première indication écarte deux conceptions de la philosophie* :

- D'abord, elle n'a pas pour tâche d'élaborer une connaissance totale de la réalité, en englobant toutes les sciences dans une somme encyclopédique. La philosophie ne traite pas de tout le connaissable, elle dégage les principes de toute connaissance. Elle n'étudie pas toute la réalité, l'ensemble de l'être et des êtres, mais elle se demande comment se présente la réalité et comment discerner l'être de ce qui est.

- Ensuite, elle refuse de limiter la philosophie "aux problèmes techniques de logique et d'épistémologie"*, c'est à dire à une sémantique qui analyserait le fonctionnement du langage, indépendamment du réel qu'il entend exprimer et à une théorie de la connaissance qui s'occuperait des seules démarches du savoir. Une clarification sémantique a, certes, une grande utilité; elle assure la cohérence du discours. Toutefois, traiter du langage suppose que l'on examine son contenu et pas seulement sa forme. Une réflexion sur l'acte de connaître est nécessaire; elle ne peut cependant pas suffire, car parler de la connaissance implique qu'on s'occupe aussi de l'être connu. "Toute épistémologie contient une ontologie implicite ... toute analyse de l'acte de connaître doit faire référence à une interprétation de l'être"*. Il n'existe pas d'analytique à l'état pur, antérieure à une ontologie et indépendante d'elle, analogue à un récipient vide où l'on pourrait verser des liquides divers.

À ce premier niveau, le philosophe explicite des notions, des catégories, une conceptualité que le théologien ne peut pas éviter d'employer. Son discours utilise sans cesse des termes dont la philosophie étudie, détermine ou explicite le sens. Il faut avoir la naïveté des fondamentalistes ou de certains biblistes pour croire en la possibilité d'une théologie indemne de toute philosophie, qui n'utiliserait pas sa conceptualité*. Dès qu'on emploie des notions comme "nature", "histoire", "liberté", "vie", "temps", qu'on en ait conscience ou non, on entre dans le champ philosophique*. Tillich plaide pour que les théologiens prennent au sérieux la philosophie et qu'ils ne la traitent pas avec désinvolture. Ce plaidoyer ne manque par de pertinence. Dans Christ et le temps, un livre publié en 1947, quatre ans avant le premier volume de la Systematic Theology, et qui a eu un grand retentissement, Oscar Cullmann, un spécialiste renommé du Nouveau Testament, écrit que pour comprendre la conception biblique du temps et de l'éternité, "nous devons ... nous affranchir complètement de toute notion philosophique ... il faut avant tout s'efforcer de penser de la manière la moins philosophique possible"*. Cullmann exprime là un peu naïvement (car penser ne revient-il pas à philosopher?) ce qui a été le mot d'ordre de toute une génération de biblistes protestants.

Toutefois, quand le théologien s'occupe de philosophie à ce niveau-là, il doit le faire en tant que philosophe, avec des instruments, des démarches et des critères philosophiques. Sa foi influence forcément peu ou prou son analyse de la réalité; elle peut même la rendre plus pénétrante et plus lucide*. Elle ne doit cependant pas la commander. La théologie n'a pas à imposer ses normes et ses vues à la philosophie, pas plus qu'à la science. L'idée d'une philosophie chrétienne a quelque chose de malsain et de suspect; elle peut dissimuler une entreprise qui viserait à régenter la philosophie, à lui enlever sa spécificité*.

Normalement à ce premier niveau, quand il y a des conflits, ils ne se situent pas entre la théologie et la philosophie, mais entre deux philosophies différentes, dont l'une se présente indûment comme une théologie*.

L'analyse des structures de l'existence

La philosophie ne limite pas son investigation à la connaissance. Elle s'intéresse, plus largement, à la situation existentielle ou existentiale de l'être humain. Elle le décrit comme un être qui va vers la mort, qui éprouve de l'amitié, de l'amour, de la haine, etc., qui a la capacité de se décider, de faire des choix, qui se débat avec l'angoisse, etc. La philosophie ne se contente pas d'observer et d'enregistrer. Elle développe forcément une certaine conception de l'existence humaine qui oriente dans une direction parmi d'autres possibles, qui anticipe ou même esquisse une solution au problème existentiel de l'être humain. Il n'y a jamais d'analyse parfaitement neutre et impartiale. Toutes, y compris les plus scientifiques et les plus objectives, reflètent un point de vue et traduisent une prise de position. Même quand elle s'en défend et veut s’en tenir à une observation pure, la philosophie a ce second niveau pose et propose des valeurs (Tillich le démontre à propos de Heidegger et Sartre)*.

La relation avec la théologie apparaît ici beaucoup plus complexe et embrouillée qu'au premier niveau. Tillich signale un ensemble de ressemblances et de différences que j'indiquerai dans ma seconde partie. Il estime que dans toute philosophie, il y a une théologie implicite et cachée, c'est à dire un certain sentiment de l'ultime, une certaine perception du sens de l'existence et de l'univers. Comme à tout moment le théologien fait forcément de la philosophie, de même toute philosophie porte quelque part en elle un élément de théologie*.

L'analyse des structures de l'être

À un troisième et dernier niveau, la philosophie se définit comme une analyse non pas seulement des structures de la connaissance et de celles de l'existence, mais aussi et surtout des structures de l'être en tant qu'être. D'une conception de la philosophie à dominante épistémologique (au sens large de ce mot) au premier niveau, et à dominante phénoménologique au deuxième, nous en arrivons à une conception à dominante ontologique*. La philosophie étudie la tension entre l'être et le non-être, la puissance de l'être, la réalité aliénée de l'être dans l'existence, et aussi sa vérité essentielle, ainsi que le passage de l'une à l'autre. Autrement dit, elle entend indiquer ou apporter à l'être humain la voie du salut (ou, ce qui revient au même, la voie d'une existence authentique, conforme à son essence). La philosophie se fait alors théologie ou religion. On en a des exemples avec le stoïcisme, les écoles gnostiques et platoniciennes de l'Antiquité, avec le spinozisme au dix-septième siècle et avec certaines formes de marxisme. Ici, quand un conflit éclate, il n'oppose pas théologie et philosophie, mais deux théologies dont l'une se présente sous un habit philosophique. "Le théologien caché dans le philosophe lutte contre le théologien déclaré", écrit Tillich*.

La philosophie selon Trœltsch et Tillich

Les définitions que donnent Trœltsch et Tillich paraissent assez voisines. L'analyse des structures de la connaissance correspond à la clarification du statut de la conscience; tandis qu'on peut facilement rapprocher l'élaboration d'une vision du monde qui donne forme aux expériences, connaissances et valeurs humaines avec l'analyse de l'existence et de l'être.

Toutefois, il existe aussi de fortes et nettes différences. Trœltsch se situe dans le cadre d'une philosophie idéaliste, qui privilégie les images, les idées, les conceptions et les théories. Ainsi, la seconde tâche qu'il assigne à la philosophie consiste en une synthèse et une harmonisation de nos savoirs et de nos représentations du monde. Les analyses de Tillich s'inscrivent dans une perspective beaucoup plus existentielle et phénoménologique. Elles portent sur les misères, les angoisses, le courage, les forces et les tensions qui constituent l'existence concrète. De manière caractéristique, Trœltsch estime qu'un des problèmes majeurs du christianisme contemporain consiste à concilier des enseignements traditionnellement très anthropocentriques avec une cosmologie qui met en évidence l'immensité temporelle et spatiale de l'univers : comment notre terre minuscule et notre humanité infime en seraient-elles le centre? Pour Tillich, donner le courage de faire face aux détresses humaines et la force d'affronter les puissances qui nous agressent, nous oppriment et nous écrasent, voilà le problème majeur du christianisme contemporain. Cet exemple montre la différence entre les deux approches de la situation humaine. Il en existe une deuxième, que j'ai déjà signalée en passant. Pour Tillich, l'analyse de l'existence conduit à celle de l'être; la phénoménologie ouvre la porte de l'ontologie, y donne accès (ici il y a une proximité avec Husserl et Heidegger), tandis que Trœltsch s'en tient strictement à "un agnosticisme dogmatique", pour reprendre une formule qu'il applique à Schleiermacher*. Il appelle métaphysique non pas une ontologie, mais une mise en système des données culturelles. On a l'impression que chez Trœltsch la modernité philosophique met en cause la fides quae (les expressions intellectuelles et cognitives de la foi) plus que la fides qua (la foi comme réalité existentielle), alors que Tillich affronte une crise philosophique de la théologie plus existentielle qu'épistémologique.

La démarche philosophique et la démarche théologique

Arrêtons-nous maintenant au deuxième des trois niveaux que l'on peut distinguer, mais non séparer les uns des autres. Entre théologie et philosophie, Tillich décèle une convergence essentielle quant à la visée, et des différences relatives ou "qualitatives"* quant à la démarche.

La convergence essentielle

Pour Tillich, l'origine et la visée des deux disciplines, leur archéologie et leur eschatologie, se confondent, ce qui permet d'affirmer leur "unité fondamentale" et leur "identité ultime"*. En effet, le philosophe et le théologien partent de l'existence humaine et de l'expérience du monde pour s'interroger sur l'être-même, autrement dit sur ce qui est la structure de la réalité et la source de sens de tous les étants. L'un et l'autre se mettent en quête de la raison de ce qui existe (raison au sens à la fois de cause et de finalité). Je donne quelques citations caractéristiques qui vont en ce sens :

"Avec la question philosophique, on touche au même ultime que dans le saisissement religieux" (1930)*. "La distinction entre théologie et philosophie est impossible" (1941)*. "La philosophie pose nécessairement la question de la réalité dans son ensemble ... La théologie pose nécessairement la même question, car ce qui nous préoccupe ultimement doit appartenir à la réalité dans son ensemble" (1955)*. "Contre Pascal, je dis : le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et le Dieu des philosophes est le même Dieu" (1955)*. "Dans l'un et dans l'autre cas, c'est la vérité ultime que l'on recherche ... Dans la vérité philosophique, la vérité de la foi est présente; dans la vérité de la foi, la vérité philosophique est présente" (1957)*.

Il importe de souligner la force provocatrice de ces affirmations à une époque où les théologies kérugmatiques, dominantes dans le protestantisme, s'attachent à distinguer et à séparer soigneusement philosophie et théologie*.

Les différences relatives

S'il y a une identité fondamentale et finale de ce qui est en question dans la philosophie et dans la théologie, par contre, on constate des différences d'attitude. "Dans la philosophie, écrit Tillich, l'existentiel reste à l'arrière plan, tandis que dans la religion il constitue un premier plan"*. Par "existentiel", il ne faut pas entendre ici l'existence en tant qu'objet de l'analyse, mais l'engagement existentiel de celui qui analyse. Toutefois, cette différence d'attitude ne va pas jusqu'à une opposition ou à une coupure radicales, car "le philosophe ne peut éviter les décisions existentielles, et le théologien ne peut éviter les concepts ontologiques"*. Ce mélange d'écart et de proximité, qui empêche aussi bien de les séparer que de les identifier, prend cinq aspects complémentaires.

- Premièrement, la perspective ou l'angle de questionnement n'est pas identique. En philosophie, "approche cognitive de la réalité"*, prédomine la dimension du savoir. En théologie, l'emporte le souci existentiel, la préoccupation de sa destinée personnelle. La philosophie répond plutôt à une curiosité cosmologique et la théologie à une recherche sotériologique*. "La religion s'occupe existentiellement de la signification de l'être, la philosophie, s'occupe théoriquement de la structure de l'être" écrit Tillich*, et ailleurs : "La vérité philosophique est une vérité qui porte sur la structure de l'être; la vérité de la foi est une vérité qui porte sur notre préoccupation ultime"*.

Cette différence a, cependant, une portée réduite, parce qu'en fin de compte, on ne peut pas dissocier investigation cognitive et quête existentielle. On veut savoir pour des raisons qui tiennent au sens de notre existence et le souci de notre personne conduit à une recherche de savoir. La réflexion sur l'être amène à s'interroger sur le salut, et "le problème du salut implique la question ontologique"*.

- Deuxièmement, le philosophe et le théologien n'adoptent pas la même attitude*. Le premier, comme le scientifique, se veut détaché, objectif, neutre, distant vis-à-vis de ce qu'il étudie. Le second, au contraire, s'implique, s'engage, se compromet dans son travail qui a toujours une dimension de confession ou de militance personnelle. De plus, le théologien appartient à une Église, tandis que le philosophe, en principe, préfère rester libre à l'égard de toute chapelle ou de tout parti.

On ne doit pas, cependant, majorer cette distinction. D'une part, il y a toujours un "éros" qui meut le philosophe. D'autre part, il se veut dans la communauté humaine et à son service. Son travail répond à une passion et incarne un engagement. De son côté, le théologien prend ses distances à l'égard de sa propre foi pour la penser, et il adopte une attitude critique vis-à-vis de sa communauté, ce qui le rend souvent suspect aux yeux de ceux qui la dirigent*.

- Troisièmement, les langages diffèrent. La théologie a recours à de symboles qu'elle commente et interprète, alors que la philosophie utilise des concepts. La même vérité ultime, écrit Tillich, s'exprime "conceptuellement en philosophie, symboliquement en religion"*.

Cette différence n'est également pas radicale, car le symbole a une dimension ontologique et conduit inévitablement au concept, tandis que le concept naît du symbole et garde un statut symbolique*. Dans le mythos le logos est présent en germe, et le logos conserve en lui le mythos. On pourrait dire que les symboles philosophiques sont à dominante conceptuelle, que les symboles religieux sont plus imagés, et que la théologie se tient dans l'entre deux*.

- Quatrièmement, théologie et philosophie se distinguent par leurs sources. La raison générale du philosophe, son logos universel, fait contraste avec le logos particulier du théologien, avec la parole singulière et historique de la révélation dont il se réclame*.

Là aussi, la différence s'atténue à l'examen. En effet, d'une part, le logos spécifique du théologien a une vocation universelle. Il prétend valoir pour tout être, et vise à dépasser son particularisme sans abandonner son caractère concret. Et, d'autre part, le logos du philosophe s'enracine toujours dans une expérience particulière et se veut concret. Les philosophies les plus importantes ne se développent pas seulement à partir d'une analyse logique et d'un ensemble de savoirs. Elles expriment une rencontre avec l'ultime dans une expérience quasi-révélatrice, c'est pourquoi l'on parle, à leur propos, de sapientia, de sophia, et pas seulement de scientia*.

- La cinquième différence porte sur le contenu ou l'objet des deux disciplines. La philosophie étudie la structure du donné, de l'être là, alors que la théologie s'occupe de l'être nouveau, de la réalité eschatologique*. La philosophie est "une science descriptive générale" et la théologie une "science normative concrète"*. Autrement dit, le philosophe parle de l'être humain en quête du divin, et la théologie de l'être humain ayant trouvé le divin.

Comme dans les cas précédents, il s'agit d'une différence limitée et relative. En effet, d'un côté, la quête suppose une certaine expérience du divin ("tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé" fait dire Pascal au Christ*). De l'autre côté, la foi ne possède pas; elle recherche et chemine. Le philosophe et le théologien se situent l'un et l'autre entre un manque et un avoir, entre une absence et une présence, entre un vide et une plénitude. Dans Religion biblique et recherche de l'ultime, Tillich manque l'analogie et la différence en écrivant : "Le philosophe n'a pas et a; le croyant a et n'a pas"* (la nuance a échappé au traducteur en français qui a rendu deux fois par "a et n'a pas"). Il n'y a donc pas coupure. Pour dire la même chose autrement, la philosophie fait partie des "sciences de l'esprit"*, qui ont pour tâche de définir des valeurs et des normes, de déterminer "ce qui devrait être", tandis que la norme théologique n'a de sens qu'en fonction des structures de l'être. Les deux disciplines apparaissent donc très proches.

Parenté avec accentuations différentes

Cet ensemble complexe de ressemblances et de distinctions qui s'imbriquent et s'équilibrent montre qu'on ne peut pas tracer une frontière tranchée * entre théologie et philosophie. On trouve de part et d'autre la même visée et les mêmes éléments, avec des accentuations différentes. La théologie n'ignore pas le cognitif, mais l'existentiel la domine. La philosophie ne méconnaît pas l'existentiel, mais elle privilégie le cognitif. "Le philosophe, écrit Tillich, ne peut pas échapper à son arrière-fond religieux, et le théologien ne peut pas échapper à son outil philosophique"*. Les dissimilitudes ou les dissymétries, non négligeables, n'empêchent pas une "interdépendance profonde"*. Elle tient au fait que ce qui nous préoccupe ultimement (objet de la théologie), c'est l'être (objet de la philosophie). Qu'il n'y ait entre les deux disciplines ni conflit légitime, ni synthèse possible n'empêche pas une étroite coordination, une interaction constante et un accueil réciproque*. Elles ont besoin l'une de l'autre. Si elle exclut toute théologie, la philosophie tombe dans un formalisme vide; si elle exclut toute philosophie, la théologie dégénère dans une superficialité superstitieuse*.

L'impact de l'existentialisme

Dans un chapitre de l'autobiographie de 1936, Aux confins, Tillich déclare qu'il a évolué, que se succèdent et se combinent en lui deux manières de comprendre la philosophie*.

La première, il l'a reçue de l'idéalisme allemand. Après des lectures de Kant et de Fichte, il subit l'influence de Schelling auquel il consacre ses thèses de licence en théologie et de doctorat en philosophie. Son travail sur Schelling l'oriente, écrit-il, vers "une unification de la théologie et de la philosophie"*, qui ne cessent de s'interpénétrer, qu'on ne peut ni séparer, ni distinguer.

En 1926, à Marbourg, il a pour collègue Heidegger, dont petit à petit les thèses le marquent. "Il me fallut des années, écrit-il*, pour que je prenne conscience de l'influence de cette rencontre sur ma propre pensée. Je résistai, j'essayai de m'instruire, et j'acceptai cette nouvelle manière de penser, plus que les réponses qu'elle donnait". Il ne faut pas majorer cette acceptation. Tillich ne devient à aucun moment un disciple d'Heidegger, même s'il s'en inspire assez souvent. Il en dépend beaucoup moins que Bultmann. Toutefois, il ne faut pas non plus minimiser la portée du changement que Tillich signale. Dans Aux confins, il signale la "fascination exercée par la philosophie" d'Heidegger. Avec lui, écrit-il, "la philosophie de l'existence pose d'une manière nouvelle et radicale la question dont la réponse est donnée par la théologie". Ce qui, ajoute-t-il, m'a amené "à comprendre autrement la relation de la philosophie et de la théologie", et il précise : "à distinguer plus nettement la théologie et la philosophie que je ne l'avais fait précédemment"*.

Ces indications conduisent à penser que se conjuguent chez Tillich deux conceptions de la philosophie et de ses rapports avec la théologie. Elles ne se succèdent pas; la seconde ne remplace pas ni n'élimine la première. Elles se combinent plutôt.

La première, de type plutôt idéaliste, voit dans la philosophie une interprétation de la réalité qui élabore et propose une réponse aux questions que soulève l'existence humaine. Le philosophe le fait parfois explicitement, mais pas toujours. Souvent la manière dont il perçoit, formule argumente les questions dépend d'une intuition implicite de la réponse à leur apporter. Aussi, dans toute philosophie, il y a une théologie soit avouée, soit secrète. "Tout philosophe créatif est un théologien caché"*. Les distinctions que l'on peut proposer ont toutes un caractère relatif, provisoire et préliminaire. On pourrait parler d'une unité fondamentale et finale et d'une fusion eschatologique de la philosophie et de la théologie, qui dans la situation présente se réalise seulement de manière fragmentaire*.

La seconde conception, de caractère moins idéaliste et plus heideggerien, voit dans la philosophie une analyse des situations existentielles ou, plus exactement, une recherche de leur structure. Cette structure est interrogative. On ne peut pas se borner à constater que l'être humain se pose des questions. On découvre que son être a une forme interrogative, que son existence est fondamentalement quête, demande. La philosophie met à jour, rend conscientes et explicites les questions fondamentales que comportent l'être et l'existence de l'homme. La théologie leur apporte des réponses (ou des éléments de réponse). La relation entre philosophie et théologie correspond exactement au schéma "question - réponse"* , qu'il faut se garder de simplifier. Sa complexité vient de ce que la question n'est jamais seulement question, elle anticipe une réponse, et que la réponse n'est jamais seulement réponse, elle porte en elle de nouveaux questionnements. Dans le jargon heideggerien, la question représente le niveau "ontologique - existential" (où l'on montre, par exemple, que l'être humain doit prendre des décisions, ou qu'il a une capacité et un besoin de relations amicales). La réponse se situe au niveau "ontique - existentiel" (où l'on prend tel choix plutôt que tel autre, où l'on décide de devenir ami avec Pierre plutôt qu'avec Paul).

La première conception, celle de l'idéalisme, ne tient pas compte de l'aliénation existentielle, de la distorsion entre essence et existence. Elle correspond à ce que serait un état parfait de théonomie, où effectivement théologie et philosophie se confondent par dépassement à la fois de l'hétéronomie théologique et de l'autonomie philosophique. La seconde conception, celle de l'existentialisme, a une conscience vive de l'aliénation, d'où il résulte que, pour elle, l'analyse philosophique peut seulement dégager des questions, des problèmes, des manques, et que seule la foi (que la théologie exprime) peut apporter les réponses, les solutions, l'être et le sens dont nous avons besoin. C'est exactement la thèse que défend Bultmann*. Il ne faut cependant pas oublier que la théonomie ou l'eschatologie ne représente pas seulement un ailleurs; elle se concrétise fragmentairement et momentanément dans le présent. Ce qui explique qu'on ne peut ni distinguer ni confondre philosophie et théologie; il s'agit de démarches en même temps divergentes et convergentes*. Les deux conceptions ne s'excluent donc pas; il importe, au contraire, de les combiner.

 

CONCLUSION

Il me semble qu'une phrase de Trœltsch* rend bien compte à la fois de sa position et de celle de Tillich :

"La foi religieuse et la métaphysique philosophique cherchent l'une et l'autre l'absolu, mais elles le comprennent et le cherchent de manière différente. La foi et la philosophie peuvent, au plus, converger; elles ne sont jamais interchangeables. Leur différence est essentielle, mais aussi leur potentialité à converger".

On a beaucoup reproché à Trœltsch et Tillich de trop mélanger la philosophie et théologie et d'avoir une conception confuse de leurs rapports. Par exemple, Wyman estime qu'en principe Trœltsch nie que l'on puisse rattacher ou réduire la foi à une métaphysique, mais qu'en fait, contre son intention, il subordonne sa théologie à une métaphysique idéaliste dont elle dépend*. Il y aurait là une incohérence. En ce qui concerne Tillich, Armbruster* écrit :

"Les formulations de Tillich à ce sujet sont quelque peu nébuleuses, car il met l'accent tantôt sur leur identité, tantôt sur leur différence, et, en général, il ne se préoccupe guère d'établir une certaine harmonie entre les affirmations qu'il a répandues au cours des années dans une foule de livres et d'articles".

De son côté, Jean-Paul Gabus parle* d'un manque de clarté méthodologique qui, selon lui, entraîne "de graves et fâcheuses conséquences".

Nos deux auteurs conçoivent en effet de manière complexe le rapport entre théologie et philosophie. Chez eux, les deux disciplines se recoupent, interfèrent et s'imbriquent. Impossible donc de tracer entre elles une frontière imperméable ni même de codifier strictement les échanges ou passages. Il me semble que cette difficulté ne tient pas à une faiblesse de leur pensée, mais à la nature même des choses. On ne peut ni assimiler ou identifier, ni dissocier et séparer théologie et philosophie. Autrement dit, la pensée s'égare quand elle établit des distinctions et des cloisonnements trop tranchés, lorsqu'elle sépare nettement deux disciplines qui s'entrelacent et s'interpénètrent constamment. Malheur à qui sait trop bien ce qui relève de la philosophie et ce qui appartient à la théologie.

André Gounelle
Québec, Université Laval, août 1999.

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Notes :

* Cf. E. Trœltsch, "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.46.

*  1 Cor. 3, 19. cf. 1, 20.

* Cf. E. Trœltsch, "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.12-19; P. Tillich, Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v. 4, p.357.

*  Cf. A. Dumais, Historicité et foi chrétienne, p.153; G. Médevieille, L'absolu au coeur de l'histoire, p.51-52; J. Richard, "Le concept de religion chez Ernst Trœltsch : pour un dépassement du positivisme et de l'empirisme", in M. Despland et G. Vallée (éd.) Religion in History. The Word, the Idea, the Reality. p.80.

* "Théologie et philosophie dans l'évolution de Paul Tillich" in Laval Théologique et Philosophique, juin 1986, p.169, 189. Cf. J. L. Adams, Paul Tillich's Philosophy of Culture, Science and Religion, p. 259.

* Cf. "My Books", in Religion in History, p.373-374, et A. Dumais, Historicité et foi chrétienne, p.43-46.

* Cf. C. Theobald, "Trœltsch et la méthode historico-critique", in P. Gisel (éd.), Histoire et Théologie chez Ernst Trœltsch, p.244-245, 260; A. Dumais, 'Trœltsch était-il théo­logien?" Communication au séminaire Troelstch-Tillich, août 1998, Université Laval, Quebec, p.7-11, 23-24.

* Voir les auteurs cités par W.E. Wyman, The Concept of Glaubenslhere, p.IX-X, XIV, et 214, note 62. Voir également, K. Barth, La théologie évangélique au XIX° siècle, p.11, 29.

* Les termes "décomposer" et "dissoudre" se trouvent dans K. Barth, Dogmatique, v. 18, p.29, 32.

* "Ernst Trœltsch. Son importance pour l'histoire de l'esprit", in Christianisme et so­cialisme, p. 217.

* "Les possibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.277; cf. p.300.

* "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.61.

* "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.109.

* "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.61. La métaphysique que pré­conise Trœltsch (voir plus bas) est "profondément transformée" par rapport à la clas­sique.

* "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.8-9; "A propos de la méthode historiquer et de la méthode dogmatique en théologie" in Oeuvres, 3, p.41-43. Cf. A. Dumais, Historicité et foi chrétienne, p.146-151, et "Trœltsch était-il théo­logien?" Communication au séminaire Troelstch-Tillich, août 1998, Université Laval, Quebec, p.13-14.

* "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.55-56; The Christian Faith, p.62.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.37. Il vaut la peine de noter la proximité de la position de Trœltsch avec celle qu'expose Tillich   dans sa Philosophie de la religion de 1925, en particulier dans l'Introduction.

*  "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.62.

* "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.76; "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.57.

*  Cité d'après G. Médevielle, L'absolu au coeur de l'histoire, p.47.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.335. Cf. J. Richard, "Le concept de religion chez Ernst Trœltsch : pour un dépassement du positi­visme et de l'empirisme", in M. Despland et G. Vallée (éd.) Religion in History. The Word, the Idea, the Reality.

*  "Les possibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.300. Cf. G. Médevielle, L'absolu au coeur de l'histoire, p.81-82 et J. Richard, "Le concept de religion chez Ernst Trœltsch : pour un dépassement du positi­visme et de l'empirisme", in M. Despland et G. Vallée (éd.) Religion in History. The Word, the Idea, the Reality. p.77-78.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.342.

* L'histoire de la conscience chrétienne n'est pas le déploiement "purement interne" d'un principe posé par Jésus ou d'une essence exprimée dans le Nouveau Testament. Cf. "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.340, p.342-343.

* Cf. The Christian Faith, p.17, 40, 45.

* Sur les notions voisines de "principe" et "essence", voir W.E. Wyman, The Concept of Glaubenslehre, p.73-78.

* "Philosophie de la religion" dans Religion et histoire, p.64.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.342, p.350.

*  Cf. K. Barth, Dogmatique, v.19, p.29.

* "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.56.

* The Christian Faith, p.27.

* Cf. F. Schleiermacher, Le statut de la théologie, partie II.

* Cf. W.E. Wyman, The Concept of Glaubenslehre, p.75, p.122-123.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.336, 347. Sur le flottement de la notion de "dogme", terme tantôt neutre (équivalent à doctrine ou enseignement), tantôt péjoratif (formulation autoritaire et intangible), voir C. Theobald, "Trœltsch et la méthode histo­rico-critique", in P. Gisel (éd.), Histoire et Théologie chez Ernst Trœltsch, p.254.

* "Philosophie de la religion" dans Religion et histoire, p.85. Cf. "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.9.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.347.

*  "Que signifie "essence du christianisme"?", in Oeuvres, 3, p.197-199.

* C. Theobald, "Trœltsch et la méthode historico-critique, in P. Gisel (éd.), Histoire et Théologie chez Ernst Trœltsch, p.253; cf. p.257-259.

* The Christian Faith , p.27. "Que signifie "essence du christianisme"?", in Oeuvres, 3, p.223-237. Cf. A. Dumais, "Sur l'essence du christianisme. La position d'Ernst Trœltsch", Laval Théologique et Philosophique, juin 1998, p.338-342.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.341.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.336.

*  "L'absoluité du christianisme" in Oeuvres, 3, p.85, 90; "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.12.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.334.

*  "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.340; "Regard rétrospectif" in Oeuvres, 3, p.269.

* J. Richard, "Le concept de religion chez Ernst Trœltsch : pour un dépassement du positivisme et de l'empirisme", in M. Despland et G. Vallée (éd.) Religion in History. The Word, the Idea, the Reality p.89.

* C. Theobald ("Trœltsch et la méthode historico-critique, in P. Gisel (éd.), Histoire et Théologie chez Ernst Trœltsch, p.256) qualifie de "quasi transcendantal" le concept de vision du monde. W.E. Wyman note justement que le concept de "métaphysique" n'est pas entièrement clair chez Trœltsch, The Concept of Glaubenslhere, p.43.

* The Christian Faith, p.55, 62.

* Cet idéalisme se distingue de "l'idéalisme objectif du développement historique", qui est, en fait, un panthéisme, voir "Philosophie de la religion" dans Religion et histoire, p.78-80.

* The Christian Faith, p.54, 61; "Les possibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.300; "Philosophie de la religion" dans Religion et histoire, p. 66-83; "The Essence of Modern Spirit", in Religion in History, p.259-260. Cf. E. Vermeil, La pensée religieuse de Trœltsch, p.27-35.

* "Modern Philosophy of History" in Religion in History, p.273.

*  Cf. "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.59.

  Pour la définition de l'historicisme, voir K. Nowak, "La question de l'historicisme et la compréhension de la théologie à l'époque de Trœltsch" in P. Gisel (éd), Histoire et théologie chez Ernst Trœltsch, p.151-153.

*  The Christian Faith, p.55; "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.56.

* "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.56, 61, 63, 66, 71.

*  "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.353.

*  "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.355.

*  "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.345-346. Dans "My Books", Religion in History, p. 366, Trœltsch raconte qu'il s'est décidé pour des études de théologie parce que seule cette discipline lui semblait comporter une ap­proche à la fois de problèmes métaphysiques et de questions historiques.

* "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.346.

* The Christian Faith, p.51. Cf. W.E. Wyman, The Concept of Glaubenslhere, p.98-99.

* The Christian Faith, p.54.

* The Christian Faith, p.57.

* The Christian Faith, p.59-60.

* "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.29; "La dogmatique de l'école de l'histoire des religions" in Oeuvres, 3, p.341; "Les pos­sibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.278; "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.92-93; "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.22.

* The Christian Faith, p.52, 54.

* "La situation scientifique et les exigences qu'elle adresse à la théologie" in Oeuvres, 3, p.29.

* The Christian Faith, p.53.

*  "Les possibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.278.

* "Les possibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.280-281.

* "Philosophie de la religion" in Religion et histoire, p.125.

*  The Christian Faith, p.53-54; "Logos and Mythos in Theology and Philosophy of Religion" in Religion in History, p.54-55.

* "Philosophie de la religion" dans Religion et histoire, p.125.

* "Les possibilités d'avenir du christianisme en rapport avec la philosophie moderne" in Oeuvres, 3, p.300.

* W. E. Wyman, The Concept of Glaubenslehre, p.95. Cette affirmation me semble mal concorder avec ce que Trœltsch écrit dans The Christian Faith, p.60.

* Systematic Theology, 1, p.12.

* Cf. Dynamics of Faith in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.272; Systematic Theology, 1, p.18. Cf. "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.57.

* Systematic Theology, 1, p.18; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.362-363.

* Cf. Systematic Theology, 1, p.18; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.357, 360; Dynamics of Faith in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.272; "Being and Love" in W. Herberg, Four existentialist Theologians, p.332; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.280-281. On peut donc poser une équivalence entre philosophie et ontologie. Tillich écarte le mot "méta­physique" (qu'il emploie dans la Philosophie de la Religion de 1923) parce qu'il connote, à tort, l'idée "d'un monde derrière ce monde", ou d'un "double de ce monde" (Systematic Theology, 1, p.20; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.359-360; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.281). En son sens originel et véritable, "métaphysique" ne désigne rien d'autre que l'ontologie.

* Complication soulignée dans Dynamics of Faith in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.272.

* Systematic Theology, 1, p.18.

* Systematic Theology, 1, p.18-20.

* Systematic Theology, 1, p.19-20; Dynamics of Faith, in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.273; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.358; cf. p.359.

* Systematic Theology, 1, p.19; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.281.

* Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.357, 360-361.

* Systematic Theology, 1, p.21; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.361; "Philosophical Background of my Theology", in MainWorks Hauptwerke, v.1, p.419; "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.61. Cf. L'être nouveau, p.150.

* p.34; p.45 (les italiques sont de l'auteur). Tillich et Cullmann se sont rencontrés et fréquentés à Union Seminary de New-York.

* Systematic Theology, 1, p.63.

* Systematic Theology, 1, p.28; 3, p.266.

* Systematic Theology, 1, p.26, 28.

* Theology of Culture, p.121.

* Systematic Theology, 3, p.203; "Being and Love" in W. Herberg, Four existentialist Theologians, p.333; "Philosophical Background of my Theology", in MainWorks Hauptwerke, v.1, p.419.

* Ce glissement a été très bien repéré et analysé par J. Richard, "Théologie et philoso­phie dans l'évolution de Paul Tillich" in Laval Théologique et Philosophique, juin 1986, p. 200.

* Systematic Theology, 1, p.26.

* "Regard rétrospectif" in Oeuvres, 3, p.251.

* "Reply to Interpretation and Criticism" in C.W. Kegley et R.W. Bretall, The Theology of Paul Tillich, p.337.

* "Philosophie et religion", in Aux frontières de la science et de la religion, p.101 (texte de 1930); "Reply to Interpretation and Criticism, in  C.W. Kegley and R. Bretall, The Theology of Paul Tillich, p.36; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v. 4, p.357.

* "Philosophie et religion", in Aux frontières de la science et de la religion, p.101 (texte de 1930).

* "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.281.

* Systematic Theology, 1, p.20-21.

* Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.388.

* Dynamics of Faith  in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.273-274. Cf. "Interrogation of Paul Tillich" in W.L. Reese, Philosophical Interrogations, p.368.

* Cf. "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.279-280. Voir dans Revue de Théologie et de Philosophie, 1955, p.104-105, la critique acerbe de H. Kraemer à la suite de conférences de Tillich à l'Institut Oecuménique de Bossey, publiées un peu plus tard sous le titre Religion biblique et recherche de l'Ultime (la traduction partielle qu'en donne cette revue s'intitule "Les relations entre philosophie et théologie").

* "Philosophie et religion" in Aux frontières de la science et de la religion, p.102 (texte de 1930). Cf. "The Problem of Theological Method", in MainWorks Hauptwerke, v.4, p. 302.

* Systematic Theology, 2, p.30-31; Dynamics of Faith  in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.273; "The Problem of Theological Method", in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.303. Cf. "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.59.

* Systematic Theology, 1, p.18.

* Systematic Theology, 1, p.24; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.282-283. Cf. "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.60.

* Systematic Theology, 1, p.230. Pour clarifier cette citation, rappelons que la théo­logie est la religion en tant qu'elle se pense elle-même (Cf. Systematic Theology, 1, p.15), et que la "théorie" est le regard qui contemple un objet distant, l'observation qui ne supprime pas l'écart et la séparation.

* Dynamics of Faith  in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.273.

* Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.388.

* Systematic Theology, 1, p.22-23; Dynamics of Faith in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.273; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.364.

* Systematic Theology, 1, p.25-26.

* Dynamics of Faith  in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.273.

* Systematic Theology, 1, p.230, 235; Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.357, 361; Dynamics of Faith in MainWorks Hauptwerke, v.5, p.275.

* "Philosophie et religion" in Aux frontières de la religion et de la science, p.103 (texte de 1930); "Philosophical Background of my Theology, in MainWorks Hauptwerke, v.1, p.420.

* Systematic Theology, 1, p.23; cf. p.16, 18; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p. 285. Cf. "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.58.

* Systematic Theology, 3, p.203, 334-335. Cf. "Interrogation of Paul Tillich" in W.L. Reese, Philosophical Interrogations, p.373.

*  Systematic Theology, 1, p.24.

* Cf. Dogmatik, p.32-33; Philosophie de la Religion, p.34; "Sur l'idée d'une théologie de la culture" dans La dimension religieuse de la culture, p.32.

* "Le mystère de Jésus", Pensées, fr.553, éd. Brunschvig; fr.919, éd. Lafuma.

* Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.380. Cf. "Philosophie et religion", in Aux frontières de la science et de la reli­gion, p.99-100.

* Cf. The System of Sciences, part.3.

* Cf. Philosophie de la Religion, p.10 : "la méthode de la délimitation des frontières échoue nécessairement".

* "The Problem of Theological Method" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.380.

* Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality, in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.357.

* Systematic Theology, 1, p.21, 27-28. Les termes "coordination" et "accueil" se trou­vent dans l'article de 1930, "Philosophie et religion", in Aux frontières de la science et de la religion, p.101, 104. Cf. The Protestant Era, p.216.

* "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.283-284.

* J.L. Adams souligne cette évolution dans Paul Tillich's Philosophy of Culture, Science et Religion, p.260-261. J. Richard ("Théologie et philosophie dans l'évolution de Paul Tillich", in Laval théologique et philosophique, juin 1986) distingue trois étapes successives : avant 1913, puis 1919-1926, et enfin après 1933.

* Aux confins, p.63.

* Réflexions au­tobiographiques, p.39.

* p.70-72.

* Systematic Theology, 1, p.31. Cf. "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.283.

* "Reply to Interpretation and Criticism" in C.W. Kegley et R.W. Bretall, The Theology of Paul Tillich, p.336.

* Systematic Theology, 1, p.62-63; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.286; "Philosophical Background of my Theology, in MainWorks Hauptwerke, v.1, p.416. "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.63. Cf. "Interrogation of Paul Tillich" in W.L. Reese, Philosophical Interrogations, p.362.

* "Le problème de la théologie naturelle", "Le problème de la révélation naturelle", in Foi et compréhension, vol.1, p.328-348, p.459-486.

* "Reply to Interpretation and Criticism" in C.W. Kegley et R.W. Bretall, The Theology of Paul Tillich, p.336; "Philosophy and Theology" in MainWorks Hauptwerke, v.4, p.283. Cf. "Relation of Metaphysics and Theology" in The Review of Metaphysics, 1956 p.59; "The Protestant Era. Author's Introduction." in MainWorks Hauptwerke, v.6, p.300.

* The Christian Faith, p.54.

* The Concept of Glaubenslhere, p. 186-189, 193.

* La vision de Paul Tillich, p.53.

* Introduction à la Théologie de la culture, p.68, note.

 

André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

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