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Violence sacrée
On accuse souvent les religions de susciter et de développer la violence. En s’interrogeant à ce propos, André Gounelle est conduit à réfléchir sur la nature de la foi (elle devient fanatisme quand elle refuse sa fragilité), sur celle de la religion (qui d’ange ou icône de Dieu devient idole et démon lorsqu’elle s’absolutise), et sur la tension entre être et non-être en Dieu qui fait de l’amour non pas l’absence de violence, mais une violence surmontée et vaincue.
Le procès du monothéisme
Voilà le monothéisme mis en accusation. Pendant longtemps, on l’a présenté comme un progrès intellectuel et spirituel par rapport au polythéisme et à l’animisme qui l’auraient précédé*. Son adoption aurait marqué un pas en avant de la civilisation dans le domaine de la pensée et de l’éthique. Au contraire, aujourd’hui, on a tendance à le rendre, au moins en partie, responsable d’une intolérance et d’une violence qui apparaissent, à nos yeux d’occidentaux modernes, barbares ; il engendrerait fanatismes, affrontements et persécutions. Selon Jan Assmann*, dans sa version biblique, il ne se caractérise pas tant par l’affirmation qu’il y a un seul Dieu que par « la différence mosaïque », autrement dit, la distinction entre la vraie religion à répandre et la fausse à éliminer. La foi monothéiste pose un « Dieu jaloux » qui ne supporte pas la concurrence ; elle est une « contre religion », une religion qui contredit, contrecarre, s’oppose et exclut. Elle s’efforce par tous les moyens d’éradiquer ce qu’elle considère comme une abomination idolâtre. Sa violence s’exerce d’abord et principalement en interne (elle tente d’éliminer les impuretés et les impurs au sein du groupe où on la professe) avant de s’exporter (de s’en prendre aux cultes étrangers et à leurs adeptes). Si sa puissance de négation a eu des effets positifs (en délivrant de quantité de superstitions aliénantes, en libérant de pouvoirs despotiques, en développant une éthique exigeante, en favorisant une cohérence), elle a pour contre partie une propension à la violence. Tel est « le prix du monothéisme ».
Contre ce réquisitoire*, les avocats de la défense ont de solides arguments à faire valoir. Le polythéisme (qui suscite des guerres féroces entre fidèles de dieux différents) et l’athéisme (dont les grandes idéologies ont été particulièrement sanglantes au vingtième siècle, à quoi il faut ajouter tous les conflits sans aucun caractère religieux) ont généré au moins autant de violences que le monothéisme. L’opinion très répandue que les spiritualités orientales seraient plus douces, plus tolérantes et plus paisibles que les monothéismes méditerranéens traduit une grande ignorance de l’histoire de l’Asie, Inde, Chine et Japon. La violence est un phénomène humain universel et pas spécifiquement religieux. D’autre part, plutôt que l’exclusion, le monothéisme ne favorise-t-il pas une inclusion* ? Il rend possible le respect des autres et le dialogue avec eux en suggérant que les diverses figures et les différents noms de la divinité se réfèrent à la même réalité ultime. De plus, comme l’a soutenu René Girard*, n’y a-t-il pas dans le monothéisme biblique un processus de dépassement et d’évacuation de la violence ? On peut aussi faire remarquer que dans bien des cas, les conflits dits « religieux » sont, en fait, de nature politique* ; la religion ne les a pas provoqués et elle y est instrumentalisée au profit de fins qui lui sont étrangères (ainsi, les guerres de religions dans la France du 16ème siècle dont l’objectif réel est la succession au trône ; ainsi les affrontements en Irlande du Nord, qui mettent en cause le rattachement de l’Ulster à la Grande Bretagne ou à l’Eire, et nullement ce qui oppose religieusement catholicisme et protestantisme). Enfin, il importe de souligner que la pratique et la théorie de la non-violence naissent, en tout cas en Occident, dans des milieux très religieux et fortement monothéistes (souvent antitrinitaires parce que la trinité leur semblait affaiblir le monothéisme) tels que, aux seizième et dix-septième siècles, les anabaptistes pacifiques, les mennonites, les unitariens transylvaniens, les remontrants, les quakers ; le réformé Castellion est ici une figure emblématique. De nos jours, on constate qu’il y a beaucoup de « religieux » parmi les plus grands adeptes de la non violence (ainsi Albert Schweitzer, Martin Luther King, Théodore Monod, pour ne citer que des protestants engagés).
Ce plaidoyer, si juste soit-il, ne doit cependant pas tourner au « déni de la violence monothéiste ». Elle existe et il faut en prendre acte. Assmann le dit fort bien : « les religions ne doivent pas avoir à cœur de nier le problème, mais d’y faire face »*. Il ne suffit pas de déclarer, même si c’est vrai, que cette violence relève d’une perversion ou d’un détournement de la religion et non de son essence ou de sa nature. On n’explique rien en soulignant, ce qui est exact, que les extrémismes islamiques et chrétiens interprètent à contre sens le Coran ou la Bible. Il faut encore se demander pourquoi les religions monothéistes (et les autres) peuvent donner lieu à de telles dérives et manipulations. Qu’est-ce qui en elles permet à la violence de surgir et de se déchainer ?
À cette question, on peut donner trois réponses qui s'additionnent et convergent. La première se situe au niveau du sujet croyant. La deuxième met en cause la religion elle-même en tant que médium de la foi. La troisième touche à l'objet de la foi, c'est à dire à Dieu lui-même.
La violence du croyant
On a proposé deux analyses, à première vue antithétiques, mais au fond assez convergentes, du processus psychologique qui conduit au fanatisme et à la violence.
La première attribue l’intolérance et ses brutalités à une foi trop vigoureuse. Elles découleraient d’une assurance exagérée et manifesteraient une hypertrophie religieuse. Des certitudes fortes, ressenties comme indiscutables, ne s'accommodent pas de mises en question et encore moins de négations. Il y a, selon l’expression de Ricœur, une « violence de la conviction » ou « dans la conviction »*. Aux yeux de l’exalté, ce qui diffère de ce qu’il croit est une folie à repousser et un crime à punir sans aucune indulgence. Le doute et la divergence contredisent l'évidence qui l’habite et relèvent pour lui d'une perversité blasphématoire. Cette forme d’intolérance trouve un terrain particulièrement favorable dans la religion monothéiste parce qu’elle est exigeante ; elle entend régenter l'ensemble de la vie des croyants, diriger entièrement leur existence sociale et personnelle ; elle leur demande une consécration entière, sans réserves ni limites. Dans cette perspective, la violence ne représente pas un accident de parcours ou une déviation. Elle se trouve inscrite dans le projet, le programme ou la logique du monothéisme.
Cette argumentation, esquissée par quelques philosophes des Lumières, a été reprise et développée par plusieurs courants de la pensée laïque française. Ces courants jugent détestable et dangereux le croyant fervent ; ils estiment respectable et digne de confiance le croyant tiède. Pour assurer la coexistence pacifique des citoyens dans un monde pluraliste, ils s'efforcent de neutraliser socialement et culturellement les religions. Qu'elles n'entrent pas dans les écoles (où on interdit qu'elle s'exprime ou se manifeste d'une manière ou d'une autre) ; qu'elles se tiennent loin des les bureaux de vote (on condamne d'éventuelles consignes ecclésiastiques et des partis confessionnels) ; qu'elles soient discrètes dans les hôpitaux (où on ne demande plus aux malades leur appartenance religieuse). On sait que le laïcisme poussé à l'extrême, confirmant ainsi paradoxalement sa propre analyse sur le caractère néfaste des convictions excessives, se transforme en violence antireligieuse ; sa lutte contre le fanatisme le conduit parfois à un sectarisme intolérant.
Si, pour beaucoup, la violence naît d'une trop grande conviction, d'autres, au contraire (c’est la deuxième analyse), voient en elle la conséquence d'une fragilité intérieure et d'une faiblesse profonde. Le fanatique souffrirait non pas d'une pléthore, mais d'une insuffisance. Son intolérance et son intransigeance viendraient d'un « pas assez » et non d'un « trop ». Il se montre brutal parce qu'il ne se sent pas solide. Il affirme catégoriquement pour écarter les doutes qu'il réprime en lui*. Ses peurs le conduisent à exagérer. Il veut interdire les questions et les objections à cause de l'écho qu'elles suscitent en lui. Les opposants le déstabilisent, en formulant les interrogations enfouies en lui, en incarnant ce qu'il refuse et qui en même temps l'attire secrètement. Cette connivence clandestine fait qu'il arrive mal à se défendre contre eux. Il les attaque avec violence parce qu'ils le tentent. Ils lui sont insupportables en raison des incertitudes et des angoisses qui le rongent et qu'il ne veut pas s'avouer. La rage qui l'anime porte en fait contre lui-même. Il ne peut pas tolérer chez les autres ce qu'il n’arrive pas à expulser en lui. Sa vulnérabilité le rend agressif. Comme le disait Péguy dans un autre contexte, « rien n’est meurtrier comme la faiblesse ».
En ce sens, le fanatisme témoigne d'un échec partiel de la foi. Il surgit là où elle n'a pas réussi à totalement persuader, quand elle n'a suscité qu'une adhésion chancelante, lorsqu'elle rencontre des résistances internes qu’on ne veut pas s’avouer et qu’on refuse de les assumer. Dans son Dictionnaire philosophique, Voltaire distingue l'enthousiaste, qui ne fait pas de mal, du fanatique qui va jusqu’au meurtre. L’enthousiaste, dit-on souvent, a une foi sereine, paisible et donc ouverte et tolérante ; les désaccords et les oppositions qu'il rencontre ne le troublent pas ni ne mettent en cause son identité ; il les accepte facilement et leur répond tranquillement. Le fanatique se sent, au contraire, constamment menacé et agressé, d’où la violence de ses réactions.
Faut-il choisir entre ces deux analyses ? Pas forcément. Pourquoi n’y aurait-il pas plusieurs sortes de violence religieuse, aux genèses différentes ? De plus et surtout, on peut dégager une convergence. Dans les deux cas, on a affaire à une foi orgueilleuse, qui se surestime en se voulant incontestable, inébranlable et toute-puissante. Tout questionnement lui apparaît délirant quand elle se sent forte, insupportable lorsque, obscurément, elle se craint chancelante. Elle revendique une évidence qui appartient normalement à la science (encore que la science contemporaine y prétende de moins en moins) et ne s’accepte pas comme foi, c’est à dire comme risquée, vulnérable et défectueuse. La foi n'est pas absence d'interrogations, d'inquiétudes, d'insécurité et de défaillances ; elle les affronte et les surmonte, certes, mais ne les supprime nullement ; elle les prend en compte et les intègre dans sa démarche*. Le doute et l'angoisse en sont des éléments constitutifs, même si elle comporte autre chose : une présence en nous, qui nous dépasse et nous est donnée. Le croyant a conscience de ne pas maîtriser la conviction en même temps puissante et frêle qui l’habite ; il ne la possède ni ne l’acquiert par ses efforts ; il la reçoit de Dieu ; il est un incroyant ou un mal croyant qui cependant croit vraiment (« je crois, viens au secours de mon incrédulité » dit un personnage de l’évangile*). Le fanatique ne consent pas que la foi soit humble ; il la veut superbe et l’habitent un désir de totalité et un idéal de perfection qui contredisent sa nature et sa condition. L’être humain devient intolérant, envers les autres et envers lui-même, quand il oublie les limitations et les insuffisances qui le constituent ; il se veut semblable à Dieu tel qu’il se l’imagine. La foi qui se sait foi et non savoir, et qui s’accepte comme telle, évite ce travers ; contestations et négations loin de l’agresser, la renvoient à sa vérité et lui rendent service en l’empêchant de se prendre pour ce qu’elle n’est pas.
La violence de la religion
Toute religion se veut relation ultime avec l'ultime : « relation ultime », en ce sens qu'elle engage notre existence de manière décisive ; « relation avec l'ultime », puisqu'il s'agit d'un engagement envers ce ou celui qui décide, en dernier ressort, de notre être et de toute réalité.
L'ultime ne se rencontre pas ou, plutôt, ne nous rencontre pas directement. Le contact s’opère toujours par le moyen de quelque chose ou de quelqu'un qui sert de médium ou de sacrement. « Personne n’a jamais vu Dieu », affirme l’évangile de Jean*. Comme l’écrit l’apôtre Paul, Dieu est invisible et se perçoit seulement dans ses ouvrages*. Nous n'avons pas accès à ce que Luther appelle le deus nudus, à Dieu tel qu'il est en lui-même. L’ultime nous atteint en s'habillant ; il endosse un vêtement culturel qui permet d’établir un contact. Il se donne à percevoir par le biais de formes ou d’images allusives qui le reflètent. Des objets et des êtres sacramentaux, qui ont une fonction d’intermédiaire ou d’interface, établissent une communication ou une relation. Il n'y a de croyance qu'incarnée, ce qui veut dire que seule une incarnation* (véritable ou supposée) du divin rend possible une religion. La foi prend réalité, vit et se développe en se structurant dans un ensemble de textes, de symboles, de rites et d'institutions. Elle en a fondamentalement besoin pour exister dans notre monde. Sa vérité se situe, cependant, au delà des ces structures du religieux, dans cet ultime que les objets sacramentaux à la fois invoquent et évoquent en un clair obscur confus* sans jamais l'enfermer. Calvin affirme souvent que rien ne peut enclore Dieu*. Il y a ainsi un décalage entre la réalité de la foi (les structures religieuses) et sa vérité (le lien ultime avec l'ultime), d’où un « excès du croire »* qui déborde toutes les expressions concrètes de la croyance religieuse dans nos existences et nos sociétés. La vérité de la foi se trouve en même temps dans les structures religieuses (le in d’invoquer) et en dehors d'elles (le ex d’évoquer), ce qui implique une inévitable, indépassable et vivifiante tension bipolaire entre l'incarnation (le Dieu présent) et la transcendance (le Dieu différent).
L'objet sacramentel a un statut complexe. On ne peut pas se passer de lui ; néanmoins, on doit passer par lui, le traverser et surtout ne pas s'y arrêter. Il n’est pas ce qu’il signifie, et pourtant en le signifiant, il le fait être pour nous. L'ultime se rend présent en lui, grâce à lui, sans qu'on puisse l'identifier avec l'ultime. Cette complexité se traduit en christianisme par la redoutable ambiguïté des définitions christologiques. Comme l’a bien souligné Rudolf Bultmann*, affirmer que le Christ est Dieu a du sens, si on entend par là qu'en lui on a affaire à Dieu lui-même ou, plus exactement, qu'en cet homme, l'ultime s'approche de nous et nous atteint. Mais on doit nier que Jésus soit Dieu si c’est une manière de l’assimiler à l’ultime ; il a de la vérité (ou il est vérité) seulement dans la mesure où il renvoie à quelqu’un qui n’est pas lui et qu'il nomme son Père. Ce Père peut se manifester ailleurs et autrement qu’en lui (ce que souligne, contre le luthéranisme, le principe réformé de l’extra calvinisticum*). Dans la même ligne, il faut à la fois déclarer que la Bible est et n'est pas parole de Dieu ; elle la véhicule, mais ne se confond pas avec elle. Les structures religieuses et les objets sacramentaux ont un caractère symbolique au sens que Tillich donne à ce mot : le symbole, en même temps, assure une présence et maintient une distance*.
Si les courants spiritualistes et l’antireligion négligent ou refusent l'incarnation, en dépouillant de leur valeur et en rejetant, parfois avec mépris, parfois avec violence, les objets sacramentels, à l’inverse la foi risque de leur conférer une importance excessive. Si les uns oublient le lien entre le divin et ce qui le figure ou le rend présent, les autres effacent la distance et la différence qui les séparent. On tombe dans cette idolâtrie du médium que les réformés ont cru, à tort ou à raison, déceler dans la théologie catholique classique des sacrements et où tombent les courants protestants fondamentalistes par leur tendance à diviniser la Bible. L'objet sacramentel perd sa relativité, autrement dit, son caractère relationnel ; il ne témoigne plus de l’ultime, il se pose lui-même en ultime. Il accapare indûment la ferveur qu'il devait orienter vers un ailleurs. Panikkar rapporte une petite histoire qui illustre ce détournement : un jeune homme, éloigné pour une longue période de sa fiancée, lui écrit chaque jour ; au bout de deux ans, elle épouse le facteur*. Quand on s’éprend du porte parole qu’est toute religion aux dépens de celui qui est la source et l’objet de la parole, on la rend fausse. Il y a une intuition profonde dans l'antique légende qui voit dans les démons des anges déchus* ; si l’ange (le messager, l’envoyé) prend la place de celui qui l’envoie, au lieu d’être un trait d’union, il empêche la relation ; il devient « diabolique » au sens propre (diable veut dire celui qui divise et sépare). Le Nouveau Testament* raconte que les gens de Lystre ont pris Paul et Barnabas pour des dieux parce qu'ils annonçaient Dieu et accomplissaient son œuvre. Les deux apôtres ont vivement réagi contre cette déviation d’autant plus dangereuse qu’elle se nourrit d’une vérité ; c’est parce que, à juste titre, la foule a reconnu que le divin se manifestait à travers eux qu’elle les a considérés, à tort, comme « des dieux sous forme humaine ». Plus un être ou un objet est authentiquement théophore (porteur de Dieu), plus la démonisation le guette.
Quand la religion se divinise ainsi, lorsqu’elle s’attribue à elle-même l’ultimité qui appartient seulement à Dieu, elle devient violente. Elle ne supporte pas la moindre contestation puisqu'elle ne peut plus se référer à un au-delà qui, en même temps, la fonde et la relativise. Elle se voit condamnée à défendre à tout prix son erreur pour maintenir sa part de vérité. Elle s’attribue le monopole du divin, puisqu’elle ne s’en distingue plus. Elle juge non seulement erroné mais nuisible tout ce qui se situe en dehors d’elle ou s’en écarte, et elle agit en conséquence. On passe du Dieu unique à la révélation unique, exclusive et absolue, ce qui entraine la guerre sinon des dieux, du moins entre les religions et entre les différentes versions d’une seule et même religion. « La violence, écrit Daniel Marguerat, s’enflamme lorsqu’un groupe religieux s’autoproclame détenteur … de la plénitude du divin. »*
Comment éviter cette dérive ? À mon sens, la théologie biblique le fait en insistant sur la création, source d’universalisme, tout autant que sur l’alliance qui peut justifier un exclusivisme. Par création, je n’entends pas un acte ou événement initial qui aurait fait surgir de l’être là où il n’y avait rien et aurait mis en route le monde, mais la relation permanente et structurelle entre Dieu et l’ensemble de ce qui existe. Le monde et tout ce qu’il contient est créature, autrement dit, n’est pas divin, mais renvoie à Dieu*. Chaque expression ou chaque manifestation de l'Ultime se situe à l'intérieur et dans le cadre de cette relation. Le Dieu qui se révèle à un groupe précis, qui fait alliance avec un peuple spécifique, qui agit ici et là de manière ponctuelle, est le Dieu universel, celui qui a créé le ciel et la terre et dont dépend toute réalité. Qu’il se manifeste en tel endroit ou à tel moment n’empêche donc nullement qu’il agisse et qu’on le perçoive aussi ailleurs. L'élection des uns n'exclut pas les autres parce que, de manière certes diverse, tous sont élus. Un texte d'Amos le laisse entendre : « N'êtes vous pas pour moi comme les éthiopiens, fils d'Israël, dit l'Éternel. N'ai-je pas fait sortir Israël du pays d'Égypte, comme j'ai fait sortir les philistins de Kaphtor et les syriens de Qir ? »*. Ces peuples païens sont aussi l'objet d'une sollicitude particulière de Dieu. Le psaume 82 au v.8 corrige ou équilibre l’affirmation du chapitre 32, v. 8-9 de Deutéronome qu’Israël est la part de patrimoine de Yahwe en déclarant que toutes les nations sont son patrimoine* ; il a une relation privilégiée avec chacune d’elle et pas uniquement avec l’une d’entre elles. Il y aurait non pas une seule mais plusieurs élections, pas une révélation unique mais des révélations diverses, à la fois analogues et différentes. Il arrive qu’elles se croisent et se reconnaissent. Ainsi, Abraham accepte la bénédiction du prêtre païen Melchisedeck et lui paie la dime (autrement dit le reconnaît)*. Dans l’histoire de Moïse, Jethro, prêtre de Madian, joue un rôle qui n’est pas négligeable. L’Égypte peut être terre promise, terre du salut, aussi bien que Canaan*. Dieu se révèle à travers une histoire singulière (celle de l’exode, celle d’Israël, celle de Jésus), et en même temps, comme le dit le psalmiste, « les cieux racontent sa gloire, l'étendue manifeste l'œuvre de ses mains ; le jour en instruit un autre jour, la nuit en donne connaissance à une autre nuit »*. Il « parle » par de grands témoins et des textes sacrés, tout en se manifestant à toute conscience et à toute pensée*. Les écrivains bibliques, en particulier ceux qu'on nomme « sapientiaux », se sont inspirés de la sagesse égyptienne ; plus tard, ils reprennent des thèmes iraniens. Au début de son évangile, Matthieu raconte que des mages, c'est-à-dire les prêtres d'une religion astrale viennent visiter l'enfant de Bethléem. Selon le livre des Actes des Apôtres, Paul, dans un discours à Lystre, déclare que nulle part, Dieu ne s'est laissé sans témoins et à Athènes, il se réfère aux dieux et aux auteurs du monde grec. Le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob et de Jésus n'est pas une idole dans la mesure où il est également le Dieu de tout homme (y compris du savant et du philosophe) et de tout être.
Situé ainsi dans le cadre de la création, aucun objet sacramentel ne peut nier les autres et nul n’a le droit de revendiquer l’exclusivité pour sa propre révélation. On objectera que la Bible parle de religions trompeuses, sacrilèges et « abominables », que combat avec vigueur et horreur la « contre religion » mosaïque et qui se fondent sur de fausses révélations. C’est juste, mais ne sont-elles pas d’authentiques révélations qui se sont, ou ont été, perverties ? Les idoles ne sont-elles pas des images qui se sont, ou qu’on a, substituées à la réalité qu’elles devaient figurer et qui à cause de cela deviennent destructrices ? Ainsi, Adam et Eve « image de Dieu » perdent leur statut et leur place dans l’Eden quand ils se veulent, selon la suggestion du serpent de l’Eden, « comme des dieux »*. De manière plus parabolique ou symbolique que vraiment historique et exégétique, prenons le cas de « baal ». Baal est un nom ou un titre parfois donné à Yahwé, avant de s’en distinguer, de s’en distancier et de désigner des divinités opposées à Yahwe ; après avoir été une qualification de Yahwe, baal s’applique à son adversaire et passe du registre de la vraie religion à celui du culte de l’idole*. Ce qui a servi à poser Dieu devient ce qui tente de le déposer. Ainsi, théologiquement, naissent les idoles par perversion des icônes.
La violence religieuse naît ici d’une mauvaise relation, ou, plus précisément, d’une confusion entre l’infini et le fini ; elle surgit quand on absolutise une expression juste, mais relative, de l’Ultime, lorsqu’on confine Dieu dans une de ses manifestations circonstancielles en oubliant qu’il est toujours au-delà, à la fois en dedans et en dehors, de ce qui le manifeste à tel moment et en tel endroit. Je crois important que catéchismes et prédications situent la révélation dans le cadre de la création (au sens indiqué plus haut) et pas seulement dans celui de l’alliance; c’est ainsi qu’elles contribueront à surmonter la violence, toujours plus ou moins liée à un particularisme idolâtre.
La violence de Dieu
À côté de celles du croyant et de la religion, faut-il parler de la violence de Dieu lui-même ? Bien des pages de la Bible, surtout mais pas seulement dans le premier Testament, le font parfois brutalement. Elles présentent un Dieu guerrier et cruel qui châtie durement ses adversaires, un Dieu despotique et vindicatif qui sanctionne impitoyablement ceux qui se détournent de lui et lui désobéissent, un Dieu terrible et redoutable qui fait peur même à ses fidèles et à ses serviteurs. Il entre parfois (même s’il le fait lentement*) dans de sombres et fortes colère. Quand il exige des sacrifices, noie l’humanité dans un déluge, demande à Abraham de tuer son fils, envoie sur l’Égypte une succession de « plaies », ordonne l’extermination de villes entières, fait massacrer les prêtres de Baal, punit les enfants pour les fautes de leur père (et on pourrait allonger cette liste), ne déploie-t-il pas une terrible violence ?
On a souvent, et à juste titre, fait valoir que pour bien interpréter ces textes il fallait les situer dans leur contexte historique*. Ils traduisent les coutumes et les mentalités de leur temps. Ils projettent sur Dieu la barbarie ambiante. Par ailleurs, ils comportent souvent des éléments positifs qui échappent au lecteur non informé. Ainsi, l’histoire d’Abraham et d’Isaac a une portée polémique contre les sacrifices d’enfants, puisque Dieu en l’arrêtant montre que le meurtre rituel ne répond pas à sa volonté dernière. Loin d’inciter à tuer au nom de Dieu, ce récit en détourne. Ailleurs, la colère de Dieu naît de ce qu’il ne supporte pas la misère et les maltraitances que des hommes infligent à leurs semblables ; elle est d’autant plus vive que son souci de justice est impérieux*. Dans de tels cas, l’apparente violence divine combat, de fait, une réelle violence humaine. D’autres textes, en bien plus grand nombre, insistent sur la tendresse et l’amour de Dieu qui pardonne et sauve bien plus qu’il ne condamne. Le thème, jamais évacué, de sa colère rappelle que sa miséricorde n’est pas complaisance ni complicité. Dieu est pour nous à la fois accueil et exigence ; il refuse le mal même s’il ouvre la porte au malfaisant ou au malfaiteur.
Tout cela est exact, mais insuffisant. Même ainsi expliqués et éclairés, les textes continuent à suggérer qu’il y a en Dieu de la violence. L’épître aux Hébreux, en reprenant une image du Premier Testament, écrit que le Dieu sauveur reste dangereux : « notre Dieu est aussi un feu dévorant »*. Luther, à partir de la Bible et également en fonction de son expérience spirituelle, où alternent haine et amour, terreur et confiance, répulsion et attirance, exprime en termes saisissants la peur que Dieu suscite en lui : « il est plus effrayant et plus horrible que le diable … il nous traite avec violence, il nous tourmente et nous torture sans pitié »*. Le Réformateur laisse parfois entendre que le diable n'est pas seulement l'adversaire ou le contraire de Dieu ; il est aussi un des visages de Dieu, celui que vient, dans l'évangile, éclipser et recouvrir cet autre visage qu'est le Christ*. Seul l’évangile pourra apaiser cet effroi devant Dieu et le transformer en un émerveillement aussi intense que l’avait été l’épouvante.
Je voudrais m’interroger sur cette violence et sa signification. Pour cela, il faut aller au delà de l’image d’un Dieu personnel et individuel. Non pas que cette image n'ait pas de valeur ou manque de vérité. Elle permet à la piété de se déployer dans une relation de type « je-tu », et, à ce niveau-là, elle joue un rôle nécessaire et indépassable. Il n'en demeure pas moins que pour penser jusqu’au bout (ou en tout cas aussi loin que possible) notre relation avec Dieu, nous ne pouvons pas nous en tenir à ce stade. Il faut nous interroger aussi sur les structures de l’être, autrement dit passer du langage de la religion (qui relève, en tout cas dans une bonne partie de la Bible, d’une phénoménologie narrative) à celui d’une phénoménologie ontologique. Nous ne sortons pas ainsi du registre métaphorique ou symbolique, mais les symboles ontologiques et les symboles narratifs, tout en renvoyant à la même réalité, en éclairent des aspects différents. Ils n’expliquent pas (Dieu reste, en tout état de cause, mystérieux), ils décrivent, chacun selon sa manière, l’expérience que nous faisons de l’ultime ; ils se corrigent et se complètent mutuellement. Si la foi n’est pas une philosophie, elle a parfois besoin de recourir à un langage philosophique pour mieux se comprendre et s’exprimer que ne le permet le langage religieux habituel. Pour qu’on ne se méprenne pas sur les propos qui suivent, je souligne qu’ils ne prétendent nullement décrire l’être de Dieu en lui-même (nous ne connaissons pas son essence ou sa substance intime, nous n’avons pas accès à son intériorité qui appartient à ce que Calvin appelle « son secret ») ; ils essaient de dire comment nous le percevons, comment il nous atteint et nous touche*. Quand je parle de « structure de l’être », il s’agit en fait de la structure de l’être tel qu’il se manifeste à la sensibilité et à la pensée croyantes (probablement dans une version sinon typiquement chrétienne, du moins façonnée par la Bible) et non d’une métaphysique réaliste ou objective qui est hors de notre portée et donc non pertinente. C’est ce que j’appelle une « phénoménologie ontologique ».
Dans une analyse classique, Rudolf Otto a souligné l'ambivalence du sacré, à la fois fascinant et effrayant. Il attire et épouvante ; il comble et consume ; il crée et détruit. Il est en même temps source de vie et porteur de mort, fondation et gouffre, assise et abime, compassion et colère, paradis et enfer. À la suite de Luther et d’Otto, Paul Tillich reprend ce thème. « Le divin, écrit-il, englobe à la fois le divin et le démoniaque »*. Dieu a en lui une composante agressive, destructrice, diabolique et donc effrayante. Le non-être, par quoi il faut entendre une violence dévastatrice, fait partie de l'être de Dieu. Il en est un élément à la fois constitutif et contestataire. Dieu le contient, le réprime, le canalise par sa puissance créatrice. Il remporte une victoire toujours renouvelée et toujours à renouveler sur la mort et le néant. Il les asservit, comme un dompteur qui, jour après jour, impose sa volonté au fauve aux aguets (quaerens quem devoret, selon l’expression de l’épître de Pierre*). Ces forces négatives lui sont internes ; elles ne viennent pas du dehors. Il les a en lui ; elles sont un des pôles de son être. Si elles n’agissaient pas en lui, il serait inerte, pétrifié, sans dynamisme interne ni action externe, autrement dit sans vie*. S'il les laissait l'emporter, il ne serait pas sauveur, miséricordieux et bienveillant ; il serait hostilité et violence. Affirmer que Dieu est vivant et qu’il est amour signifie qu’il y a en lui une tension constante entre le négatif surmonté, mais non aboli, et le positif qui affronte et domine ce négatif*. « Ne pourrait-on pas dire de manière tout à fait symbolique, écrit Tillich*, que la vie divine, c’est l’éternelle victoire sur le non-être qui appartient à son être ? » (ce qu’on pourrait rapprocher de la formule du biologiste Schrödinger, « la vie est une victoire sur l’entropie »*).
Dans un de mes livres*, je me suis permis, non sans hésitations et craintes, d'exprimer les réserves, réticences et critiques que suscite en moi l'affirmation, pourtant classique aussi bien en philosophie qu'en théologie, de la perfection absolue de Dieu. Cette affirmation, qui voudrait exprimer une louange ou une adoration, risque de conduire tout droit au blasphème. « Absolu » étymologiquement signifie « ce qui est par soi seul » et qui donc n'a besoin de rien, qui existe en dehors de toute relation (c’est pour cela que j’emploie plutôt « ultime » qu’« absolu » pour parler de Dieu). « Parfait » veut dire achevé, complet, et, donc, qui ne peut plus changer, bouger, avancer. Dieu n’est pas une infinité figée dans sa perfection, mais une infinitude toujours en mouvement. L'absolu ne peut que nier le relatif et le parfait exclure l’élan qui meut et ouvre à l'altérité. Si Dieu est amour, cela veut dire qu'il est Emmanuel (c'est à dire selon l'étymologie « Dieu avec »), Dieu relationnel et non pas absolu. Si Dieu est le dynamisme qui fait sans cesse surgir du nouveau, il s’ensuit qu'il n'est pas parfait, car la perfection implique l'immobilité. Sur ce point, comme sur d’autres, les critiques que la théologie du Process adresse au théisme classique me semblent irréfutables. Etre « Emmanuel » plutôt qu' « absolu », être une puissance vivifiante et non une perfection mortifère implique en Dieu et exige de Dieu une incessante vigilance, une lutte jamais achevée contre lui-même ou contre une partie de lui-même, la partie diabolique. La puissance divine ne tient pas à une absence de résistance, mais à la capacité de refouler et de canaliser l’agression permanente du non-être. Son amour ne va pas tout seul, ni ne coule de source ; il se construit dans un effort de chaque instant qui part d’une opposition pour aboutir à une alliance, qui va du rejet à la communion. L’amour de Dieu surmonte en lui une hostilité sous-jacente (il est, selon un mot cité par Otto, une « colère éteinte »*), sa paix naît de la violence qu’il fait subir à sa propre violence*. Ce « non qu’il lui faut surmonter en lui-même et dans sa créature »* donne force, dynamisme, splendeur à son « oui » au monde qui, du coup, devient admirable et lumineux. La miséricorde de Dieu ne se définit pas par la passivité et la facilité de ce qui ne rencontre aucun obstacle externe ni aucune opposition interne ; elle consiste en une action, celle d’un combat continuel contre sa colère. Elle est sa capacité de se délivrer et de nous délivrer du mal. Le divin, c’est le positif qui résiste au négatif et le surmonte. Que l’action de Dieu soit créatrice et salvatrice signifie qu’elle prend en compte et dépasse sans cesse une violence sous-jacente*.
Gérer la violence
« Nous aimerions tous, écrit Thomas Römer, exclure la violence … mais elle fait partie de la nature humaine … Dès lors il convient d’apprendre à la gérer »*. Plutôt que de « la nature humaine », je dirais, en élargissant le propos, que la violence fait partie de la vie, de l’humaine comme de la divine, de la terrestre aussi bien que de l’éternelle, de la cosmique tout autant que de la spirituelle. Dans le domaine religieux, je crois que les apologies unilatérales qui entendent la nier (même s’il importe de défendre la religion contre des accusations excessives) se fourvoient. Il me parait utopique de croire que des exhortations pieuses ou un idéalisme humaniste pourront l’extirper. Par contre, à mon sens, on doit s’interroger sur sa « bonne gestion ». Dans cette perspective, j’ai suggéré trois pistes. D’abord, au niveau du croyant, consentir à la fragilité d’une foi qui renonce à tout orgueil pour assumer tranquillement son humble condition. Ensuite, veiller à ne pas accorder une importance exagérée à ce qui a une valeur réelle mais limitée, ne pas confondre l’ultime avec ce qui en témoigne. Enfin, fondamentalement, prendre conscience que la vie comporte intrinsèquement une dialectique de l’être et du non-être (c’est ainsi que j’interprète le thème de la violence divine dans la Bible). Cette dialectique tournerait au tragique si le non-être l’emportait et supprimait l’être, mais si le non-être était éliminé, l’être serait fade, inerte, stagnant, dépourvu de mouvement, sans élan ni espérance ; il ignorerait l’amour. Le négatif à la fois menace de tuer et vivifie le positif qui l’affronte. Le dynamisme du positif vient de ce qu’il porte en lui un négatif qu’il défie, endigue et domine. En disant cela, je ne prétends nullement que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » (je dis même, en un sens, le contraire : l’imbrication de l’être et du non-être signifie qu’il n’y a pas de meilleur ni de pire des mondes, autrement dit de monde qu’on ne pourrait ni améliorer ni détériorer). Je ne justifie nullement le négatif ni ne l’explique ; je ne le rends pas moins inacceptable et énigmatique. Je souligne simplement que sa réalité ne relève pas de l’accidentel ; elle appartient à la structure même de la vie. On ne peut donc pas se permettre de l’ignorer ou de la négliger. La paix et l’harmonie sont toujours à inventer, à construire, à cultiver. Elles demandent effort, combat, engagement. Elles n’arrivent pas parce qu’on a supprimé les motifs de désaccord, mais parce qu’on a appris à les gérer autrement que par la violence. Leurs brouilles doctrinales et ecclésiales ont longtemps conduit les chrétiens à se massacrer et à se persécuter mutuellement. Aujourd’hui, avec l’entreprise œcuménique, qui a crée un climat souvent d’amitié, en tout cas de respect mutuel, les divergences n’ont pas disparu mais on a su en faire des objets de débats où les échanges permettent de réfléchir et d’approfondir ; de destructrices, les confrontations sont devenues stimulantes*. Le même processus s’esquisse, encore timidement, dans les dialogues interreligieux. Ainsi, la violence latente ou ouverte se canalise et se dompte.
André Gounelle
publié dans Études Théologiques et Religieuses 2012/4
Notes :
* Voir dans Pierre Gisel, Les monothéismes, Labor et fides, 2006, les citations de Hume, Voltaire, Rousseau et Kant, p. 16-17.
* Moïse l’Égyptien, Aubier, 2001. Le prix du monothéisme, Aubier, 2007. Violence et monothéisme, Bayard, 2009.
* Ce terme ne convient pas pour les écrits nuancés d’Assmann qui entend décrire et nullement juger et condamner. Par contre, il caractérise assez bien la tonalité générale des ouvrages de Jean Soler, La violence monothéiste, Éditons du allois, 2008 et de Jean-Pierre Castel, Le déni de la violence monothéiste, L’Harmattan, 2010.
* Assmann distingue d’ailleurs entre monothéisme inclusif et exclusif dans Le prix du monothéisme, p. 61, et Violence et monothéisme, p. 44-45.
* La violence et le sacré, Grasset, 1973, et autres livres du même auteur qui revient très souvent sur ce thème.
* Thèse défendue par William Cavanaugh, Le mythe de la violence religieuse, Éditions de l’homme nouveau, 2009.
* Jan Assmann, Le prix du monothéisme, p. 26.
* Paul Ricœur, « Tolérance, intolérance, intolérable » dans Lectures 1, 1991, Seuil, p. 301.
* Cf. Paul Tillich, The Future of Religion, Harper and Row, 1966, p. 54.
* Voir André Gounelle, « Doute et foi », Théolib, septembre 2002.
* Jn 1, 18. Le Premier Testament signale que Moïse et Jacob ont vu Dieu « face à face » ; quelques textes parlent de « vision de Dieu » (ainsi, Es 6,5). Il s’agit d’exceptions rarissimes.
* « Incarnation » signifie ici que Dieu se rend présent et sensible en une chose ou un être, et non qu’il se transforme en cette chose ou cet être. Il ne se fait pas homme, il vient à nous en un homme qui est non pas Dieu mais théophore (porteur ou véhicule de Dieu).
* Cf. 1 Co 13, 12 ; le « miroir » dans l’Antiquité donne une image trouble.
* Voir Richard Stauffer, Dieu, la création et la Providence dans la prédication de Calvin, Peter Lang, 1978, p. 56-57, 111-112.
* Croyance incarnée et L’excès du croire sont les titres de deux livres de Pierre Gisel, publié le premier par Labor et Fides en 1986, le second par Desclée de Brouwer en 1990.
* « La confession christologique du Conseil œcuménique » (1950) in Rudolf Bultmann, Foi et compréhension, v. 1, Seuil, 1970.
* Voir André Gounelle, notice sur l’extra calvinisticum dans Jean Yves Lacoste (ed.), Dictionnaire critique de la théologie, P.U.F., 2007.
* Voir André Gounelle, « Les critères du symbole religieux », International Jahrbuch fûr die Tillich-Forschung, 2/ 2006, Lit Verlag 2006.
* Raimon Panikkar, Pluralisme et interculturalité, Cerf, 2012, p. 167.
* Dans le livre apocryphe d’Henoch, la chute des anges a pour cause leur désir de s’unir sexuellement avec des femmes. Mais dans les deux textes canoniques qu’on lie généralement à cette légende, la chute de l’être brillant est dû à sa volonté d’égaler Dieu (Es 14, 13-14) et celle du chérubin à l’arrogance que suscite en lui sa beauté (Ez 28, 13). C’est donc le désir d’être comme Dieu et non le désir sexuel qui entraine leur chute.
* Ac 14, 11-15. De même dans Ap 19, 10, l’ange refuse qu’on l’adore.
* Daniel Marguerat dans le livre écrit sous sa direction, Dieu est-il violent ? Bayard, 2008, p. 12.
* Voir dans André Gounelle, Penser la foi, Van Dieren, 2006, le chapitre sur la création.
* Traduction et commentaire de Thomas Römer dans son cours au Collège de France du 23 février 2012.
* Gn 14, 17-20. Voir aussi les textes cités par Thomas Römer, Dieu obscur. Cruauté, sexe et violence dans l’Ancien Testament, Labor et Fides, 2009, p. 91-92.
* Voir Dany Nocquet, « L’Égypte une autre terre du salut ? » dans Études théologiques et religieuses, 2009/4.
* Rm 1-2, qui pose une connaissance quasi universelle de Dieu et de ses lois en même temps qu’il dénonce l’usage pervers qui en est fait tant par les juifs que par les païens. Cf. Ac 17.
* Historiquement, il serait sans doute plus exact de dire que Yahwé est un baal qui, en dominant les autres baals et en s’en distinguant, puis en les éliminant, devient le Dieu unique (voir Thomas Römer, cours au Collège de France du 16 février 2012). Cette formulation, tout autant que celle plus théologique que je propose, implique que au delà de leur antagonisme, il existe une racine commune à la vraie religion et au culte idolâtre qui fait de l’idole un double dégénéré et perverti du nom authentique de Dieu.
* On trouve à plusieurs reprises dans le premier Testament (Ex 34, 6 ; Ps 103, 8 ; Ne 9, 17 ; Jon 4, 2, etc.) l’affirmation que Dieu est « lent à la colère ».
* Ce que fait excellemment Thomas Römer dans Dieu obscur. Voir aussi son article « La violence de Dieu dans l’Ancien Testament » dans Variations herméneutiques, n° 16, février 2002.
* André Wiénin, « Adonai est un guerrier. La violence divine dans le premier Testament » in J.D. Causse, E. Cuvillier et A. Wienin, Divine violence. Approche exégétique et anthropologique, Cerf 2011, p. 29-40. Wiénin signale aussi une violence pédagogique.
* He 12, 29. L’expression « feu dévorant » appliqué à Dieu se trouve dans Ex 24, 17 ; Dt 4, 24 ; Ps 50, 3.
* cité d’après Rudolf Otto, Le sacré (1917), Payot, 1995, p. 143.
* Martin Luther, Œuvres, Labor et fides, v. 6, p. 235-236. Cf. Gehrard Ebeling, Luther, Labor et fides, 1983, p.199 et Jean-Daniel Causse, La haine et l’amour de Dieu, Labor et fides, 1999, p 144-150.
* Cf. l’analyse du lien entre théologie et anthropologie chez Luther que fait Jean-Daniel Causse dans La haine et l’amour de Dieu, Labor et fides, p. 129-130
* Systematic Theology, University of Chicago Press, t. 1, 1951, p. 218 (traduction française, Théologie systématique II, Cerf, Labor et fides, Presses de l’Université Laval, 2000, p 85) ; cf. p. 189, traduction, p. 45.
* Paul Tillich, The Courage to Be (1952) in MainWorks Hauptwerke, de Gruyter, v. 5, 1988, p. 224-225 (traduction française, Le Courage d’être, Cerf, Labor et fides, Presses de l’Université de Laval, 1999, p. 142).
* Voir André Gounelle, « La puissance d’être » dans André Gounelle et Bernard Reymond, En chemin avec Tillich, Lit, 2004.
* Biblical Religion and the Search for Ultimate Reality (1955), in MainWorks Hauptwerke, de Gruyter, v. 4, 1987, p. 384 (traduction française, Religion biblique et ontologie, P.U.F., 1970, p. 70). Par « éternelle », il ne faut pas comprendre ici une victoire remportée hors du temps, mais remportée à chaque moment.
* citée d’après Jean-Michel Maldamé, Création par évolution, Cerf, 201, p. 35.
* André Gounelle, Parler de Dieu, Van Dieren, 2004. Cf. André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu. Essai sur la théologie du Process, Van Dieren, 2000, p. 107-108.
* Rudof Otto, Le sacré, p. 43.
* Elian Cuvillier, analysant la position de Paul, parle de l’évangile comme « violence faite à la violence » (« Violence des hommes, violence de Dieu. Regard sur quelques textes du Nouveau Testament » in J.D. Causse, E. Cuvillier et A. Wienin, Divine violence. Approche exégétique et anthropologique, p. 147).
* Paul Tillich, The Courage to Be, p. 225 (trad., p. 142).
* Dans Dieu est-il violent ? Seuil, 1994, Guisseppe Barbaglio estime que dans la Bible coexistent deux images de Dieu, celle d’ « un Dieu à deux faces » (« l’une constructive, l’autre destructrice ») et celle (uniquement « constructive et bienveillante ») d’« un Dieu pure grâce », et qu’il faut choisir entre elles. Je suggère ici que Dieu est « pure grâce » dans la mesure où il y a en lui deux pôles ; sa grâce est dynamique parce qu’elle est victoire constamment renouvelée sur le négatif toujours présent.
* Thomas Römer, Psaumes interdits. Du silence à la violence de Dieu, Éditions du Moulins, 2007, p. 83. Cf. p. 59.
* Voir André Gounelle, « Catholiques et protestants. Du bon usage de la différence » dans D. Marguerat et B. Reymond (éd.) Le protestantisme et son avenir, Labor et fides, 1998.
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