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Théologie des religions

Les pluralismes avec norme
Introduction

Nous abordons la quatrième et dernière catégorie de positions envers les religions non-chrétiennes. Après l’exclusivisme, l’inclusivisme, les relativismes nous allons voir maintenant les « pluralistes avec normes » que j’illustrerai par deux théologiens : Albert Schweitzer et Paul Tillich. J’en avais prévu initialement un troisième, John Cobb. J’y ai renoncé par manque de temps. Je vous renvoie à l’excellente étude de Raphaël Picon, Le Christ à la croisée des chemins. Christologie et pluralisme dans l’œuvre de John B. Cobb (Van Dieren).

Par « pluralismes avec normes », j’entends des positions qui sont pluralistes parce que, en accord avec les relativismes, elles admettent une multiplicité des manifestations et révélations divines, et donc une pluralité de religions authentiques. Elles se distinguent donc sur ce point des modèles exclusivistes et inclusivistes. Toutefois, et ici elles se séparent des relativistes, elles ne veulent pas abandonner et déclarer impossible tout jugement de valeur. Par conséquent, elles cherchent à dégager une norme qui puisse s'appliquer à toutes les religions.

On pourrait dire qu'elles reprennent le projet auquel a renoncé Troeltsch ou qu'il n'a pas réussi à mener à bonne fin. Avec cependant une différence : Troeltsch cherchait un critère universel, qui se situe au dessus de toutes religions et soit indépendant d'une tradition particulière. Entreprise sans doute impossible et vouée d'emblée à l'échec. On juge et on évalue toujours d'un point de vue particulier, personnel, situé. Il faut en avoir conscience, ne pas prétendre à une impartialité que personne n'atteint. On n'est jamais au-dessus de la mêlée, en position d'arbitre neutre. Cela n'oblige pas à renoncer à tout jugement, mais à dire à partir et en fonction de quoi on juge. C’est ce qu’a soutenu de manière convaincante Hans Küng. Nous avons tous, écrit-il, une approche des problèmes, des situations, et de nos rencontres avec les autres qui dépend de notre propre foi, de notre propre appartenance religieuse. C’est inévitable et il n'y a pas à en avoir honte. Assumons notre partialité, au lieu d'essayer de la camoufler. Formulons, clarifions pour nous-mêmes et pour les autres les principes qui nous dirigent, sans cacher qu'ils nous viennent du christianisme, que nous les déduisons de notre foi. Mais, en même temps, acceptons que les autres religions formulent aussi leurs propres normes. Et, de même, que nous revendiquons le droit d'examiner les autres à partir des normes déduites de la révélation qui nous a atteint, de même accordons aux autres le droit de nous évaluer à la lumière de principes fournis par leur propre révélation. On peut même aller plus loin, en faisant l'effort de nous considérer nous-mêmes en fonction de leurs critères et en les invitant à se regarder eux-mêmes du point de vue de ce qui nous apparaît normatif. Cela peut déboucher sur un débat concernant les normes, débat qui seul permettra éventuellement d'un formuler qui soit universelle. Pour le moment, nous n'en sommes pas là. Rien, néanmoins, ne nous empêche, de faire fonctionner simultanément plusieurs jeux de normes et de voir ce que cela donne. Ces démarches croisées, qui obligent chacun à se déplacer, à changer son regard me semblent les seules qui dans la situation actuelle peuvent faire avancer les choses, débloquer le dialogue et faire progresser vers une théologie des religions qui soit à la fois universelle et chrétienne, qui soit confessionnelle sans tomber dans l'impérialisme.

Cette voie reste en grande partie à explorer. Nous allons voir dans cette quatrième partie quelques-uns de ces pluralistes avec norme.

André Gounelle

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André Gounelle